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Jean Dolet Blanchou, Résistant déporté - Nancette Blanchou

Le témoignage

Nancette Blanchou - Témoignage intégral
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Nancette Blanchou est née le 6 octobre 1936 à Champagnac-la-Rivière (Haute-Vienne). Elle est la fille aînée de Jean Dolet Blanchou et Marie-Louise Astier, qui auront ensuite une seconde fille puis un garçon. Sa famille exploite une propriété agricole à La Coquille.
Ses parents sont des militants communistes et syndicalistes : son père a été candidat du Parti communiste au Conseil d’arrondissement du canton de Jumilhac-le-Grand en 1937. Édouard Blanchou, son grand-père paternel, était quant à lui militant du syndicat paysan de gauche, et il a largement participé à la fédération des paysans de sa région.
Nancette Blanchou précise les conditions de la vie quotidienne au début des années 1940 dans la ferme familiale où la polyculture domine, en particulier le maraîchage : c’était une ferme relativement moderne, électrifiée et mécanisée. Son père, Jean Dolet, mettait la mécanisation au service d’un progrès social qu’il prônait : les ouvriers agricoles de la ferme bénéficiaient très tôt d’une assurance sociale. Nancette Blanchou décrit son plaisir de petite fille à participer aux travaux de la ferme, et à s’occuper des animaux.
Elle évoque également ses premiers souvenirs liés à l’engagement politique de son père : elle parle des joutes oratoires opposant Jean Dolet Blanchou, communiste, et des militants de la SFIO lors des repas familiaux. Elle se souvient également de manifestations pour la paix à La Coquille, où elle était en tête de cortège avec son père. C’est à cette occasion qu’elle a été gagnée par la peur lorsque les gendarmes se sont portés à la rencontre de son père pour disperser cette manifestation interdite.
Mobilisé en 1939, son père a été fait prisonnier mais a réussi à s’évader, et rejoindre son domicile. Plus tard, elle signale un évènement qui l’a effrayé : probablement fin août 1943, lors d’un repas familial, ses parents ont constaté qu’ils étaient épiés de l’extérieur.
Dès ce moment elle a nettement ressenti un changement d’atmosphère. Son père, cadre de la Résistance, disparaissait parfois nuitamment accompagnée de sa mère. Nancette Blanchou était terrifiée par cette absence, et au retour de sa mère ramenant le linge de son père, elle en respirait l’odeur afin de se rassurer.
Le 24 septembre 1943, deux jeunes gens arrivent à la ferme pour entrer au maquis : ce sont en réalité deux miliciens. L’après-midi même, la Gestapo et des soldats allemands encerclent la maison. Dolet Blanchou se cache immédiatement, et les personnes présentes à la ferme sont alignées dans la cour durant toute l’après-midi. Nancette, qui n’a pas encore sept ans, est menacée d’une arme pour conduire les miliciens vers le personnel travaillant dans les champs. Sa mère, qui refuse de quitter ses enfants, est conduite de force vers un véhicule et frappée. Devant les menaces pesant sur sa famille, Dolet se rend en fin de journée et fait ses dernières recommandations à Nancette. Ses parents sont emmenés et les enfants sont placés durant quelques jours dans une famille, puis reviennent dans leur maison, pillée. Leurs grands-parents s’occuperont d’eux, alors que leur mère est internée dans un hôpital de la région de Limoges. Elle revient en avril 1944 à La Coquille, très affectée par sa détention. Atteinte de tuberculose, elle décède en 1950. La famille Blanchou apprend la mort de Jean Dolet quelques temps avant la fin de la guerre.
Ce n’est que plus tard que Nancette Blanchou saura que son père est mort en déportation, au camp de Dora. Elle ne reconstituera son histoire que par fragments, notamment grâce à la rencontre avec André Mouton, déporté comme son père. Elle apprendra également que Jean Dolet a été dénoncé par une personne de La Coquille.
Elle précise que les dernières recommandations de son père ont conditionné la suite de son existence, et que cette arrestation l’a précipitée dans l’âge adulte. Très tôt, elle a porté des responsabilités familiales, qui ont parfois provoqué l’incompréhension autour d’elle.
Nancette Blanchou fera des études d’infirmière, puis deviendra à la fin de sa carrière infirmière scolaire à Périgueux.

Nota : Nancette Blanchou a témoigné dans l’ouvrage de Maria Carrier sur les enfants dans la Seconde Guerre mondiale.
Carrier Maria, "Maréchal, nous voilà... 1940-1944. Souvenirs d'enfances sous l'Occupation", Paris, Autrement, 2004.
  • Témoin(s) :
    Blanchou Nancette En savoir plus

    Nancette Blanchou est née en octobre 1936 à Champagnac-la-Rivière (Haute-Vienne) dans une famille d'agriculteurs de La Coquille. Son père, Jean Dolet Blanchou, était un membre actif du Parti communiste français et de la cause paysanne, militant du développement du progrès social et technique. Après la défaite française de 1940, il mène une activité clandestine au service de la Résistance, ce que Nancette Blanchou n'a pu que deviner. Au mois de septembre 1943, lui et sa femme sont arrêtés sur dénonciation, sous les yeux de leurs trois enfants. Jean Dolet Blanchou mourra à Buchenwald, alors que son épouse, emprisonnée à Limoges, sera libéré au printemps 1944. Mais elle ne se remettra jamais et décèdera de tuberculose en 1950. Nancette Blanchou, l'aînée, assurera très tôt des charges habituellement dévolues aux adultes et son existence sera profondément marquée par cette expérience.

  • Description :

    Entretien réalisé le 28 septembre 2009 à La Coquille. Durée : 1 h 41 min 47 s

  • Sujet(s) :
    Arrestation, Assurance sociale, Autorité d'occupation, Bombardement, Manifestation de protestation, Milice française, Militant politique, Mobilisation, Mouvement pacifiste, Parti communiste, Population rurale, Propagande, Radio, Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO)
  • Lieu(x) :
    Coquille, La
  • Personne(s) citée(s) :
    Blanchou Jean Dolet, Duclos Jacques, Maloubier (inconnu), Mouton André, Sabourdy René
  • Cote :
    14 AV 61

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  • Présentation de Nancette Blanchou et de sa famille
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    Nancette Blanchou est née le 6 octobre 1936 à Champagnac-la-Rivière (Haute-Vienne). Elle est la fille de Jean Dolet Blanchou et Marie-Louise Astier. Son père était paysan puis résistant, et sa mère fille de drapier. Elle précise que ses parents étaient militants du parti communiste. Elle est l'aînée de la famille et parle de sa sœur et de son frère, avec qui elle s'est retrouvée seule après l'arrestation de ses parents en septembre 1943.
  • L'engagement politique de sa famille
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    Son père, militant communiste, s'était présentée à plusieurs élections locales. Il était très connu dans sa région, et son grand-père s'occupait d'un syndicat paysan. Bien que née en Haute-Vienne, Nancette Blanchou résidait à La Coquille. Elle évoque son grand-père, militant actif du syndicalisme paysan, qui s'était occupé du secours mutuel.
  • Conditions de vie et travaux agricoles dans les années 1930
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    Nancette Blanchou évoque les activités de polyculture dans la ferme familiale, et la recherche de progrès dans la culture que menait son père. Elle parle également du confort (pas de chauffage central, ni d'eau courante), de la grande qualité de vie et des relations sociales. Elle précise que la ferme était électrifiée, et qu'une trayeuse électrique y était employée, progrès technique relativement inédit et en pointe avant la Seconde Guerre mondiale. De plus, il régnait une forme de solidarité au sein de la population rurale, qui s'exprimait notamment lors des battages : Nancette Blanchou évoque avec émotion ses souvenirs des travaux agricoles, et de son plaisir de petite fille à y participer.
  • Mécanisation et progrès social
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    Ses parents étaient à la recherche du progrès social et agricole avaient mécanisé la ferme, ce qui était rare à l'époque. Elle précise également les activités de sa mère, qui se chargeait de la vente des produits maraîchers et du lait. Son père, militant du progrès social, mettait en application ses convictions politiques et avait permis à ses employés de bénéficier des assurances sociales. Nancette Blanchou précise que, de ce fait, son père a laissé un souvenir dans la population locale aujourd'hui encore, et s'interroge sur sa dénonciation.
  • L'activité politique de Jean Dolet Blanchou
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    Nancette Blanchou évoque ses souvenirs des discussions politiques lors des repas chez elle, entre militants socialistes et communistes. Elle garde le souvenir de débats et de joutes oratoires. Son père, militant communiste, était très actif politiquement, mais ne négligeait ni sa famille, ni les travaux de la ferme. À l'approche de la guerre, Nancette Blanchou se souvient d'un changement d'atmosphère : elle fait le récit de sa participation à une manifestation pour la paix à La Coquille, durant laquelle elle a eu peur des gendarmes. Puis elle parle d'une réunion où la famille a eu le sentiment d'être épiée et surveillée, probablement en août 1943, peu de temps avant l'arrestation de son père.
  • L'inquiétude lors de l'absence de son père, en mission pour la Résistance
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    Nancette Blanchou se souvient de l'absence de son père la nuit, probablement en mission auprès des résistants et maquis de la région. Elle s'interrogeait et s'inquiétait, craignant pour la vie de son père. Parfois sa mère était également absente, et à son retour elle ramenait du linge de son père qu'elle laissait dans une musette dans la cuisine : Nancette Blanchou se levait pour respirer ces vêtements et se rassurer. Mais elle n'en a jamais parlé à sa mère. Elle parle également de ses doutes sur l'activité clandestine de son père, et se souvient avoir vu des armes sous le plancher de la cuisine.
  • Septembre 1943, arrestation de Jean Dolet Blanchou par la Milice
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    Présente le jour de l'arrestation de son père, Nancette Blanchou se souvient des trois hommes de la Milice : c'est elle qui les a accueillis et a prévenu sa mère. Dès le matin, deux jeunes gens s'étaient présentés à la ferme familiale pour rejoindre le maquis. Or il s'agissait de miliciens. Piégé, Jean Dolet Blanchou se cache et rapidement la maison est encerclée par les troupes d'occupation. Placée au fond de la cour de la ferme avec une femme qui travaillait à la ferme, Nancette Blanchou est séparée de son frère et sa mère. Cette dernière a tenté de s'enfuir, mais des coups de feu l'en ont empêché. Menacée d'une arme, alors qu'elle allait avoir sept ans, elle a été chargée de conduire un milicien dans les champs afin de ramener le personnel à la ferme. Elle chantait très fort afin de faire connaître sa présence auprès des employés. Puis à son retour elle est restée dans la cour durant l'après-midi, alors que des haut-parleurs intiment l'ordre à son père de se rendre. Après sa reddition, elle a pu lui parler avant son départ : le visage ensanglanté, il lui a fait ses dernières recommandations, qui ont dès lors, orienté son existence.
  • La fin de l'enfance
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    Pour remplacer ses parents, elle a pris à sa charge des responsabilités qui incombent habituellement à un adulte. Précipité très tôt dans le monde des grands, elle n'était plus comprise du fait de son attitude hors norme. Toute sa vie a été conduite par les recommandations de son père, et peut-être même le choix de son métier d'infirmière explique-t-elle. À son retour à La Coquille en avril 1944, sa mère était très malade. Nancette Blanchou se souvient de l'annonce du décès de son père et de la réaction désespérée de sa mère. Elle explique qu'elle était dès lors très inquiète pour sa mère, et refusait de se rendre à l'école pour rester auprès d'elle. Sa mère décède en 1950 d'une tuberculose.
  • Le sort des enfants après l'arrestation de leurs parents
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    Nancette Blanchou évoque le souvenir de la vielle Anna, la femme qui était auprès d'elle lors de l'arrestation de ses parents. Cette femme qui avait trois enfants ne pouvait les accueillir : les trois enfants ont été séparés et recueillis chez des voisins temporairement. Hébergé à proximité de la ferme familiale, Nancette Blanchou a vu des camions aller et venir sur la route, transportant tous les biens de sa famille. À son retour chez elle, il ne restait rien, tout avait été pillé. Les grands-parents s'occupent alors des enfants et de la ferme.
  • La dénonciation de Jean Dolet Blanchou
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    Jean Dolet Blanchou avait été prévenu de l'imminence de son arrestation lors d'une réunion à Limoges. Longtemps après, Nancette Blanchou a appris que l'arrestation de son père était la conséquence de la dénonciation d'un habitant du village.
  • Le sort de Jean Dolet et Marie-Louise Blanchou après leur arrestation
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    Retenue à la gendarmerie de Miallet, puis internée à la prison de Limoges sa mère, blessée, a subit de mauvais traitements. Son père, quant à lui, a été dirigé vers le camp de Compiègne puis déporté. Le souvenir des cloches annonçant la fin de la guerre est un souvenir particulier pour Nancette Blanchou, qui ne retrouve pas son père.
  • Souvenirs de la mobilisation de son père et de son retour en 1940
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    Petite fille, Nancette Blanchou a peu de souvenirs de 1939, hormis celui du départ de son père et de son retour en 1940 après avoir été fait prisonnier. Ne le reconnaissant pas car sa barbe avait poussé, elle avait refusé de l'embrasser. Elle évoque le souvenir d'un homme doux et attentionné.
  • La recherche d'informations sur la déportation de son père
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    Elle parle de sa recherche et de sa rencontre avec André Mouton, déporté à Buchenwald avec Jean Dolet Blanchou et monsieur Maloubier, qui avait été arrêté en même temps que lui. En relation avec Jean-Paul Bedoin, professeur d'histoire, elle a pu accompagner les associations qui se rendaient à Buchenwald, et se rendre sur les lieux de la mort de son père. Elle explique combien il était difficile jusqu'alors de ne pas avoir d'informations, hormis le lieu de sa mort, à Dora.
  • Marie-Louise Blanchou à sa libération
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    Nancette Blanchou fait lecture d'un document d'avril 1944 d'un médecin chef qui annonce la libération de sa mère par la police allemande. Ceci donne l'autorisation à sa famille de lui rendre en visite : Nancette Blanchou découvre sa mère extrêmement affaiblie, qui ne peut tenir sa petite sœur dans ses bras. Après la guerre, Marie-Louise Blanchou, atteinte de tuberculose, affaiblie et dépressive a vécu chez sa mère. La ferme familiale a été vendue et les enfants vivent avec leurs grands-parents paternels. Avant sa mort en 1950, elle avait rédigé une lettre à ses enfants, aujourd'hui détruite. Nancette Blanchou reprend sa scolarité en sixième, puis choisi une école d'infirmière. Sa sœur est devenue institutrice et son frère a travaillé à la chambre d'agriculture de Limoges. Les trois enfants ont été pris en charge par leurs grands-parents paternels.
  • Le secret autour des activités résistantes de Jean Dolet Blanchou
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    Ce n'est qu'après la guerre que Nancette Blanchou a appris l'importance de l'activité de résistance de son père, par l'intermédiaire de plusieurs personnes. Elle a appris qu'il avait assisté à une réunion importante en janvier 1941, et a notamment recueilli le témoignage de René Sabourdy. Elle souligne qu'elle n'a décelé aucune activité clandestine chez elle, hormis le souvenir d'une cache d'armes. Le passage des résistants devait être masqué par les fréquentes visites de clients à la ferme. Elle conserve le souvenir du passage de Jacques Duclos chez elle avant la guerre. Les activités clandestines du couple Blanchou étaient tenues secrètes au sein de la famille. Nancette Blanchou s'interroge sur le rôle de sa mère dans la Résistance lors de son retour en avril 1944, en raison d'une lettre dont elle a pris connaissance.
  • Souvenirs d'école et du passage d'un train blindé
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    À l'école, Nancette Blanchou s'employait à se soustraire à chanter la chanson du maréchal. Elle se souvient que lors du passage du train du maréchal Pétain à La Coquille, elle s'est avec son école à la gare pour l'accueillir en chanson. Elle parle également d'un train blindé passant à La Coquille, qui a eu pour effet de vider le village de ses habitants. Avec sa mère, elle s'est réfugiée dans une cache qui avait été aménagée par son père dans une grotte. C'est à cette occasion qu'elle a appris à traire les vaches : par crainte pour sa mère, elle l'avait accompagnée pour s'occuper plus rapidement du bétail. Elle souligne la peur qui anime les enfants dans ces circonstances.
  • La radio et le souvenir des restrictions
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    Il y avait un poste de radio à la ferme familiale qui permettait d'écouter la radio de Londres dans la pénombre. Ces moments étaient angoissants pour elle, car elle savait qu'il était interdit d'écouter la BBC. Elle se souvient également de moments où la lumière semblait être interdite, et explique que les restrictions alimentaires ne l'ont pas affectée. À la ferme, sa famille disposait des produits essentiels : elle se souvient en revanche qu'il n'y avait pas d'oranges, et que le pain manquait.
  • La propagande pétainiste, la formation de l'esprit de résistance
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    Elle se souvient qu'elle entonnait l'air d'une chanson de la radio moquant Philippe Henriot, et qu'aucun portrait de Pétain n'ornait son foyer. Elle n'a pas le souvenir que son père ait été particulièrement inquiété en qualité de militant du parti communiste, alors interdit.
  • Après la guerre : un esprit de résistance et une condition philosophique
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    L'arrestation de ses parents, qui a bouleversé son existence, a forgé son esprit de résistance et son intérêt pour autrui. Non croyante, elle se reconnait en ceux qui ont la foi et l'amour de leur prochain. C'est pour cela qu'elle se sent proche de certains militants communistes, car ils étaient animés par la générosité précise-t-elle. Elle explique également son admiration pour Jean-Jacques Rousseau. Cette expérience lui a donné par ailleurs une conscience aiguë des conséquences des guerres sur les enfants. Elle précise que, ayant subit l'absence de parents, elle a souhaité s'occuper avec beaucoup d'attention de ses enfants, avant de s'orienter vers le métier d'infirmière scolaire.