Les évènements des années 1930 n’ont pas particulièrement marqué Roger Arnault, dont il garde toutefois quelques souvenirs. L’actualité internationale est suivie par la famille mais cela reste marqué par la lenteur des communications avec les colonies. À la déclaration de la guerre son père est mobilisé sur place afin de travailler sur des tronçons de voies stratégiques. Roger Arnault précise que la défaite de la France est vécue différemment à Madagascar compte tenu de l’éloignement. La rupture des voies maritimes avec les colonies provoque des aléas dans l’approvisionnement : les produits métropolitains ne parviennent plus, mais l’île peut toutefois assurer une forme d’autosubsistance.
Madagascar est placée sous l’autorité du régime de Vichy jusqu’au débarquement des troupes britanniques en 1942 à Diégo-Suarez (aujourd’hui Antsiranana, au nord de l’île). Roger Arnault assiste au débarquement à Majunga qui est rapidement maîtrisée : les combats ne sont pas violents.
Le ralliement tardif des colonies à la France libre du Général de Gaulle trouve son origine dans les évènements du Tchad et de Mers el-Kébir (le 3 juillet 1940 la Royal Navy ouvre le feu et coule la plupart des bâtiments : l’objectif était d’éviter que la flotte française ne passe entre les mains des Nazis). Le point de vue des colonies est différent : les Français libres sont perçus comme des mercenaires de l’Angleterre. Selon Roger Arnault cela laissera une profonde cicatrice entre les marins de la France libre et ceux de la Marine nationale. De plus, l’information qui parvenait par la radio locale (Radio Tananarive) est hostile au Général de Gaulle. Roger Arnault reconnaît que lui-même n’était pas séduit par les discours du général de Gaulle.
Le 5 mars 1943, Roger Arnault, convaincu de la duperie du régime de Vichy s’engage dans la France libre à l’âge de 18 ans. Il est recruté dans les Forces navales françaises libres (FNFL) et dirigé sur Tamatave (côte est de Madagascar) où il est à l’instruction pendant quatre mois, comme timonier (chargé de signaux et des transmissions). Un bâtiment des FNFL, l’aviso colonial Savorgnan de Brazza fait escale à Tamatave et il lui manque un timonier : Roger Arnault embarque. Affecté en mer Rouge, ce bâtiment assure la sécurité des convois, menacés par les sous-marins allemands, italiens et japonais : comme dans l’Atlantique nord un grand nombre de navires de ravitaillement sont coulés. Puis il explique comment, fin 1943, le Savorgnan de Brazza est allé au secours du Triomphant, contre-torpilleur des FNFL touché par un typhon. En 1944, le Savorgnan de Brazza est dans l’océan Pacifique et travaille avec la marine des Etats-Unis. Après le débarquement en France, le navire rejoint la métropole fin 1944 après avoir effectué une mission d’escorte de navires entre l’Afrique du nord et l’Europe. Le Savorgnan de Brazza est ensuite en rade de Toulon, dans l’indifférence, puis en réparation à La Ciotat.
Roger Arnault précise qu’une certaine animosité régnait envers les FNFL, en raison du ralliement à Londres : à quai à Marseille le 24 décembre 1944 au soir, il est interdit aux marins de débarquer. Les hommes des FNFL connaissent parfois des brimades : la croix de Lorraine sur le drapeau des FNFL était appelée « le perchoir » par les hommes de la Marine nationale ; Roger Arnault cite également l’expérience d’un de ses amis engagé FNFL qui sera affecté aux porcheries de la Marine nationale à Lorient plutôt que sur un bâtiment.
Après une permission en Charente, Roger Arnault embarque sur Le Triomphant, qui après des manœuvres part pour le Pacifique afin d’appuyer les forces américaines dans leur bataille contre le Japon. En escale à Oran le 8 mai 1945, les hommes apprennent la capitulation de l’Allemagne, et le navire participe brièvement à la répression de révoltes indigènes. Victime d’une avarie, Le Triomphant fait escale à Diégo-Suarez (Madagascar) cependant que le Japon capitule : Roger Arnault demande sa démobilisation, qui est acceptée.
Il décrit un esprit spécifique à la France libre, fait de solidarité et de camaraderie dans des équipages multiculturels, aux convictions politiques parfois divergentes. C’est, selon Roger Arnault, l’engagement pour la restauration de la République et le retour de la France dans son rang qui a réuni ces hommes.
Roger Arnault est ensuite devenu adjoint technique à Madagascar, puis a été recruté par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Géomètre-topographe, il a travaillé à Madagascar puis en métropole pour le CEA et la Cogéma.