Poussée par l’antisémitisme sa famille arrive en France en 1928, à Paris. Léon Lichtenberg précise que sa langue maternelle est le Yiddish, et non pas le Polonais qui n’était pas parlé dans sa famille. Il apprend le Français à la maternelle et fait sa scolarité dans une école publique du quartier des Rosiers à Paris. Il souligne le rôle de ses enseignants dans sa formation et l’éveil de sa curiosité. Il se souvient précisément des évènements des années 1930 et en particulier de la contre-manifestation de soutien à la République en 1934. Puis l’élection du Front populaire en 1936 apporte une ambiance joyeuse. Il souligne également la chaleur des relations humaines à cette époque dans son quartier, où sa famille n’est pas confrontée à l’antisémitisme. De nationalité polonaise, ses parents ne votent pas.
À la rentrée 1936, la famille arrive à Périgueux où était installé un oncle. Ses parents sont commerçants ambulants sur des marchés, puis acquièrent un magasin de confection rue Wilson. Ils n’ont pas subi de discrimination particulière selon Léon Lichtenberg, qui souligne au contraire le soutien et la solidarité au sein du monde des forains, qui ont aidé ses parents à travailler.
À la déclaration de guerre, ils n’ont plus de nouvelles de leur famille en Pologne. Son jeune frère s’engage volontairement en 1939 dans l’Armée française, puis en 1942 il regagne l’Afrique du nord et s’engage dans les Forces françaises libres, dans la deuxième Division blindée. La défaite est amèrement constatée par sa famille, qui voit la débâcle jusque dans Périgueux. Il se souvient de l’arrivée de la communauté d’Alsace réfugiée à Périgueux, mais peu de liens sont tissés avec sa famille qui n’est pas pratiquante. En revanche, sa grand-mère suivait précisément les rites du judaïsme, ce qui nécessitait quelques ajustements familiaux. Puis ils subissent les premières lois antijuives du régime de Vichy et la spoliation de leur bien : le commerce de la rue Wilson leur est confisqué. La famille parvient cependant à subvenir à ses besoins.
En février 1943, lui et sa famille échappent à une rafle : prévenus par un inspecteur de Police, ils sont cachés chez une famille voisine. Au lycée de garçon de Périgueux (aujourd’hui lycée Bertrand de Born ) où il est inscrit, il ne constate pas de sentiment antisémite, et précise qu’il n’y a eu aucune arrestation de Juifs dans cet établissement. Entre jeunes du lycée, ils parlent de la situation politique et de l’Occupation. C’est de cette manière que des contacts s’établissent pour rejoindre la Résistance. Il entend parler des premiers maquis, et sait que la Résistance est une réalité en Dordogne.
Il rejoint un maquis de l’Armée secrète fin 1943 en compagnie de Ralph Finkler. Sous la direction d’un adjudant, ils apprennent à marcher au pas, ce qui contrarie leur désir d’action immédiate. Début 1944, ils quittent ce maquis et regagnent un groupe de FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans de la main d’œuvre immigrée) dans la région de Sarlat, composé essentiellement de réfugiés républicains espagnols. Il explique la part de hasard qui préside parfois au choix d’un groupe de maquis : il précise ne pas avoir de souvenir précis des filières et des contacts, et renvoie pour cela à Ralph Finkler. Ils passent vite à l’action, en mettant le feu à un dépôt de résine destiné à l’occupant. Ce groupe, installé à Veyrines-de-Domme, est attaqué et brisé en mars 1944 (le groupe, installé au lieu dit le Canadier est assailli le 16 mars 1944, et quatre maquisards espagnols tombent). Léon Lichtenberg et Ralph Finkler échappent à cet assaut. Puis Léon Lichtenberg rejoint un autre groupe FTP-MOI dirigé par Carlos : ils conduisent essentiellement des actions de sabotage, notamment de voies ferrées. Il s’agit d’un groupe peu nombreux et très mobile. Dirigés par des officiers républicains espagnols, les jeunes maquisards bénéficient de leur expérience. Les moyens sont les suivants : des armes parachutées (armes de point, mitraillette Sten, fusil mitrailleur anglais) et des explosifs en quantité. Les objectifs stratégiques sont ceux d’une guerre de guérilla : affaiblir l’ennemi, désorganiser le transport, harceler l’ennemi par des embuscades. Il n’était pas question d’affrontements directs, contre un ennemi lourdement armé et entraîné. Le rôle de la population rurale est primordial selon Léon Lichtenberg, pour qui aucun maquis n’aurait pu exister sans l’appui de la population. Les déplacements fréquents se faisaient à vélo par manque de moyens, mais aussi par choix tactique : la bicyclette, silencieuse, permet de repérer sans être repéré, et se camoufle facilement.
Il décrit un accrochage à Castelnaud-la-Chapelle (canton de Domme), en juillet 1944, après que son groupe ait fait sauter un pont.
En juillet 1944, Léon Lichtenberg est aux côtés d’André Malraux durant quelques jours : Carlos met Ralph Finkler et Léon Lichtenberg a disposition du colonel Berger (Malraux), installé dans une villa des bords de la Dordogne. La mission est imprécise, mais Léon Lichtenberg garde le souvenir de longues discussions. Puis en compagnie de Jacques Poirier (agent de la section française du Special operations executive, chef du réseau Digger), ils sillonnent les routes de la région à bord d’une petite auto.
Léon Lichtenberg évoque également les relations entre Gaullistes et communistes dans l’après guerre, en particulier avec Yves Guéna en Dordogne.
Après la Libération, il fait des études de droit puis devient avocat au barreau de Paris en 1948, et en 1951 s’inscrit au barreau de Périgueux.
Puis Léon Lichtenberg reprend le récit de son parcours à la période de la Libération. Il précise ne pas y avoir directement participé, car Yves Péron lui a demandé, ainsi qu'à Ralph Finkler, de constituer une compagnie juive. Composée d'une soixantaine de jeunes gens cette compagnie a était engagée sur le front de l'Atlantique. Léon Lichtenberg en était le commissaire aux effectifs. À La Rochelle, les troupes font face à une division allemande puissamment armée, mais coupée de ses lignes. Léon Lichtenberg souligne que les forces françaises n'étaient pas en mesure de la déloger compte tenu de l'inexpérience des hommes et de la légèreté de l'armement. De nationalité polonaise, il a été démobilisé très tôt, au printemps 1945.
Il parle du front oublié et le sentiment d'abandon des hommes à La Rochelle. Il livre une anecdote sur l'aspect atypique de ce front : la mère d'un jeune garçon s'est présentée au front pour récupérer son fils.
Puis il aborde la question des bombardements alliés et de celui de Royan. Léon Lichtenberg qualifie cette opération d'inexplicable, et engage une réflexion sur les bombardements alliés en France, imprécis et destructeurs. Devant ces faits, les hommes se sentent inutiles, mais n'en mesurent pas encore la dimension tragique. Passée la surprise et la satisfaction, Léon Lichtenberg s'est interrogé quant à sa signification, à quelques jours de la victoire. Il cite le bombardement de Dresde, faisant de nombreuses victimes civiles et n'ayant que peu d'effets sur la production industrielle allemande. Il engage une réflexion sur la destruction de Caen lors du débarquement allié : selon lui cela a rendu la ville plus facilement défendable par l'ennemi. Il évoque également la rivalité des généraux anglo-américains.
Il apporte des précisions sur le front de l'Atlantique, le sentiment de drôle de guerre et le quotidien. Sur ce front, Léon Lichtenberg précise que les Armées ne sont pas restées l'arme au pied, contrairement à 1939. À La Rochelle, les combats sont sporadiques car le rapport des forces est inégal : l'armement des forces françaises est composé essentiellement d'armes automatiques, n'autorisant pas un assaut. Léon Lichtenberg revient sur la décision de constituer une compagnie juive, sans intérêt d'un point de vue stratégique, sa formation étant davantage politique. Sur le front, le ravitaillement était assuré, et l'équipement provenait de l'Armée française. Mais le matériel provenait pour une grande part des maquis.
Il évoque également l'inquiétude et l'angoisse diffuse de devoir diriger des hommes inexpérimentés face à une division équipée et aguerrie. Cette division avait la possibilité de se dégager, mais elle aurait été dans l'impossibilité de traverser le pays pour rejoindre ses lignes. Selon Léon Lichtenberg, la place était stratégique pour les Allemands compte tenu de l'accès à l'océan Atlantique.
À la fin de la guerre, il rejoint sa famille à Périgueux puis se rend à Paris où il se trouve le 8 mai 1945. Il fait des études de droit, puis s'inscrit au barreau de Paris. Il évoque la personnalité d'Yves Péron, qu'il rencontre en juillet 1944 dans la région de Sarlat. Militant communiste, Léon Lichtenberg a continué à avoir des relations avec lui, car en qualité de juriste, il a participé à l'activité législative du groupe communiste. Léon Lichtenberg évoque brièvement le rôle du parti communiste dans la Résistance, et celui de l'Union soviétique dans la guerre.
Enfin, il aborde la question des camps d'extermination. L'existence de ces camps lui a été révélée par les actualités cinématographiques. Il souligne la terreur mise en place par le projet nazi d'asservissement des peuples, lequel n'a finalement pas eu les effets escomptés.