Sa famille, républicaine, est engagée à gauche : son père est syndicaliste cheminot et a été militant au Parti communiste à partir de 1936. Chargé de famille, il n’a pas été mobilisé sur le front en 1914. Il a participé aux grèves de 1920 mais n’a pas été révoqué. La famille Limouzi lit beaucoup la presse : L’Humanité, La Tribune du cheminot et La Vie ouvrière.
À la déclaration de la guerre, Paul Limouzi a 14 ans : il est apprenti mécanicien, puis en 1941 il est ouvrier forestier. Son père a été bouleversé lorsqu’en mars 1942 les Allemands ont fusillé Pierre Sémard, secrétaire général de la Fédération des cheminots. Paul Limouzi a alors été convaincu d’entrer dans la Résistance. Mais en 1942 celle-ci n’est pas active, ni en mesure d’accueillir de jeunes volontaires. Il discute beaucoup de politique avec ses camarades. Il travaille alors chez un marchand de bois et par l’intermédiaire d’un dénommé Miquel, qui connait ses positions, il entre en contact en janvier 1944 avec « Soleil », qui est René Coustellier, chef du 4e régiment FTP-F en Dordogne. Celui-ci, ne pouvant l’armer, lui propose de le contacter dès que son groupe aura besoin de lui. Plus tard, « Soleil » viendra le chercher à son domicile pour le conduire à Siorac. Il rencontre alors Maurice Nusembaum, l’adjoint de « Soleil » et le soir même il est envoyé à Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) pour transporter une arme. Il est un « légal » dans la Résistance, car son dernier employeur continuera de valider sa carte de travail. Il est ensuite conduit à Sauveterre-la-Lémance (Lot-et-Garonne) au lieu-dit les Escaliers à l’école des groupes francs du 4e régiment des FTP. Installée dans une ferme isolée, l’école assure une formation militaire d’une durée de trois semaines avec notamment l’instructeur Peter Lake du SOE. Un groupe armé en assure la sécurité. Paul Limouzi fait connaissance de camarades espagnols, qui assurent de fait une partie de la formation : leur expérience de la guerre d’Espagne a été capitale pour la Résistance selon Paul Limouzi. Une fois constitué, ce groupe franc se déplace beaucoup (tous les deux à trois semaines) pour ne pas être repéré. Pour cela le groupe franc subtilise du carburant ainsi que des camions à un exploitant forestier de Saint-Front-de-Pradoux.
Après le 6 juin 1944, il devient commissaire technique de la Compagnie Godefroy : l’afflux de volontaires nécessite du personnel d’encadrement. Paul Limouzi explique le fonctionnement militaire des FTP : chaque compagnie FTP dispose d’un commissaire aux opérations militaires (COM), qui est le commandant de compagnie, d’un commissaire aux effectifs qui est un commissaire politique, puis d’un commissaire technique (logistique et intendance militaire). Cette organisation est sur certains points celle de l’Armée soviétique. Une compagnie FTP est composée de trois sections, qui sont constituées chacune de trois groupes, qui comptent chacun huit à dix hommes (soit 30 hommes par section environ).
Le 11 juin 1944, il participe à la bataille de Mouleydier (canton de Bergerac) qui constitue pour lui son baptême du feu. Il explique que l’inexpérience des maquis a coûté la vie à un homme. Les moyens financiers de la Résistance sont insuffisants alors que ses besoins augmentent, et des saisies sont organisées : en juin 1944 Paul Limouzi participe avec un groupe de protection à l’attaque de la Banque de France à Villeneuve-sur-Lot. Plus tard, la compagnie Godefroy qui stationne à proximité du groupe AS Bayard, décide d’un défilé commun à Monpazier pour le 14 juillet 1944 : mais sur l’information des gendarmes, ils décident de se replier devant l’arrivée de troupes allemandes. Le second de Coustellier, Maurice Nusembaum, blâmera la troupe quelques jours après. Sur son ordre, la compagnie est cantonnée à Salles-de-Belvès puis se rendra à Périgueux pour la libération. La mission de la compagnie est d’organiser le harcèlement des troupes allemandes en repli. Paul Limouzi, qui connaît bien cette partie du département, se rend sur Sourzac, lieu propice à une embuscade : la route est située entre falaise et voie ferrée. Il part en reconnaissance avec Godefroy et deux autres hommes. Le 21 août 1944, ils sont à Théorat (canton de Neuvic) face à un barrage de troncs d’arbres qu’ils identifient comme une action de retardement de l’Armée secrète. Mais ils sont immédiatement sous le feu allemand : trois hommes tombent, dont Godefroy. Il se replie avec un camarade jusqu’à Manzac d’où une expédition est organisée : la contre-offensive fera deux morts dans les rangs de la Résistance.
La compagnie est ensuite renvoyée à Salles-de-Belvès puis vers Angoulême fin août 1944, Bordeaux et sur le front de la Rochelle, à Saint-Georges-du-Bois (Charente maritime). Sa compagnie sera faite prisonnière lors d’un combat : par chance il y échappe. Paul Limouzi souligne le manque d’armement et son inadaptation. Au grade de sous-lieutenant FFI, il suit les cours de l’école des cadres organisée par l’Armée française à Périgueux et Brive : les officiers de la Résistance y sont envoyés en formation. À l’engagement dans l’Armée française ils perdent une partie de leurs galons : Paul Limouzi, engagé pour la durée de la guerre, devient sergent-chef au 24e Ri (après la dissolution du 108e Ri). Il part en occupation en Allemagne où il contracte une maladie du poumon, puis est versé au 129e Ri où il est en cuisine. À Baden-Baden, il est affecté à l’État-major, au secrétariat du 2e bureau jusqu’au 25 mars 1946. Puis il se porte volontaire pour les troupes aéroportées, dont le centre d’organisation est à Mont-de-Marsan (Landes), afin de se rapprocher du domicile de ses parents. Il part rapidement en Algérie où il arrive le 28 avril 1946. Son engagement arrivé à son terme, il choisit de rejoindre ses foyers : la perspective de rejoindre l’Indochine et la lecture de son dossier militaire le décident. En effet, son statut d’ancien résistant des FTP était de nature à nuire à une future carrière militaire : il a pu voir soulignée la mention « résistant FTP » dans son dossier. Démobilisé en juillet 1946, il rejoint sa famille.
À la vie civile il prend un emploi aux Ponts et chaussées, puis le 1er février 1947 il entre à la SNCF comme agent de manutention à Lavardac (Lot-et-Garonne). Il terminera sa carrière comme chef de gare à Castres, en octobre 1980.
Nota :
Pierre Sémard, né en 1887, était un militant syndical et politique qui a activement participé à la fondation de la CGTU. Dirigeant communiste (secrétaire général de la Section française de l’Internationale communiste, puis membre du Comité central du PCF) il est incarcéré en 1939, jusqu’au 7 mars 1942 où il est fusillé comme otage à la prison d’Évreux.
Peter Lake : agent du réseau Digger, du Special operations executive (SOE) sous le nom de « Jean-Pierre ».