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Le maquis AS Roger (2) - Pierre Dousseau

Le témoignage

Pierre Dousseau - Témoignage intégral
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Pierre Dousseau est né à Gabillou (canton de Thenon) le 4 septembre 1925 de parents agriculteurs, propriétaires d’une petite exploitation. La famille composée de deux enfants (Pierre Dousseau avait une sœur) vivait de polyculture. Son père, appelé de la classe 1918, n’a pas combattu durant la Première guerre mondiale.
Il se souvient de l’arrivée du Front populaire, et de la montée du nazisme et du fascisme en Europe. La famille suit l’actualité internationale avec la lecture de la presse, mais n’est pas engagée politiquement ou syndicalement. Pierre Dousseau se rappelle de l’arrivée de réfugiés espagnols fuyant le régime de Franco, qui sont employés aux travaux forestiers. À la mobilisation en 1939, il se souvient du choc, de l’arrêt des battages et de l’optimisme de la population, espérant la victoire. La défaite, qui n’était pas envisageable, a été une triste surprise. Des soldats ont même quitté leur poste pour regagner la région par leurs propres moyens. Des unités en déroute se sont même trouvées dans le secteur de Thenon. Après la déception de la défaite, le maréchal Pétain a offert espoir et apaisement. Pierre Dousseau, qui a terminé ses études, aide ses parents aux travaux agricoles durant toute la durée de la guerre. Il se souvient également de l’arrivée des réfugiés du Bas-Rhin, installés dans des conditions très précaires dans les campagnes. Il reconnaît que l’accueil a été d’abord froid envers ces réfugiés parlant un dialecte proche de l’Allemand.
Il engage des discussions patriotiques avec Latouche, un adjudant de l’Armée de l’air qui travaille à la ferme de ses beaux-parents après la dissolution de l’Armée. Les prémices de la Résistance apparaissent après 1941 pour Pierre Dousseau. Il se souvient de lâchers de tracts britanniques incitant à la Résistance, probablement fin 1941 ou début 1942, qui ont suscité un certain espoir. Mais c’est à partir de 1943 que la Résistance apparaît dans la région de Thenon. Le Service du travail obligatoire (STO) a été décisif pour la Résistance avec la formation de groupes de réfractaires, et surtout l’occupation de la zone sud à partir du 11 novembre 1942. Sa famille a parfois accueilli et nourri des réfractaires et plus tard des maquisards. D’une manière générale, la population a soutenu ces groupes de clandestins. Les conditions économiques de guerre ont également été un facteur déterminant : les réquisitions et le service de contrôle ont détourné une population paysanne, jalouse de sa liberté, du régime de Vichy.
Le matin du 30 mars 1944, Pierre Dousseau entend des coups de canons. Il aide les Welder, une famille juive, à se cacher dans les bois. L’après-midi, son père lui a demandé de labourer une terre proche de la route départementale N°67 : une colonne de véhicules allemands s’arrête à sa hauteur. N’ayant pas de papiers sur lui, il est conduit sous la menace d’une arme à son domicile : il est soupçonné d’être un jeune terroriste, mais après concertation il est laissé libre. Dans le même temps, une femme qui a pris la fuite est mitraillée, sans toutefois qu’elle soit atteinte, mais sa ferme est mise à sac : les soldats allemands recherchaient des armes, et des graines de raves trouvées dans une boîte sont momentanément confondues avec de la poudre noire.
Après le 6 juin 1944, les jeunes hommes sont recensés à la mairie de Thenon par le groupe Roger de l’Armée secrète. C’est à ce moment-là que Pierre Dousseau prend connaissance de l’existence de ce groupe et s’y engage. Il reçoit une instruction militaire, fondée essentiellement sur le maniement des armes dans le camp de la forêt de la Meysselie, près d’Ajat. L’encadrement est assuré par Deschamps et d’anciens militaires de carrière, comme le capitaine Richard. Ce maquis est très organisé avec trois compagnies, un campement de tentes, une cuisine roulante de l’Armée et un service de logistique. Pierre Dousseau souligne que l’encadrement par des officiers et sous-officiers de l’Armée française a été décisif pour les groupes de l’Armée secrète. Il souligne que le commandement faisait défaut aux FTP, qui avaient créé en Dordogne une école des cadres afin d’y remédier. Après cette période d’instruction, de nombreuses opérations sont organisées : essentiellement des surveillances de voies de communication et embuscades. Pour la surveillance, deux observateurs sont cachés le long des routes pour signaler la nature du passage, puis un groupe d’hommes en arrière était prêt à intervenir. Pour l’organisation d’embuscades, le renseignement était capital. Puis des lieux stratégiques étaient choisis ainsi qu’un itinéraire de repli, et des équipes d’assaut et de renfort étaient positionnées. Le 14 août 1944, la compagnie de Pierre Dousseau est dirigée sur Périgueux et le 22 août participe au défilé de la libération. Puis elle est engagée pour la libération d’Angoulême, et cantonnée dans la région de Saujon (Charente-Maritime). Le groupe AS Roger fusionne avec la Brigade Rac pour former le 50e Régiment d’infanterie. Pierre Dousseau, mineur, ne s’engage pas pour la durée de la guerre.
Il rejoint la ferme familiale à Gabillou en décembre 1944, puis reprend ses études par correspondance. Il sera par la suite engagé au Centre hospitalier de Périgueux, à la ferme puis à l’économat et enfin à l’entretien général jusqu’à sa retraite.
Pierre Dousseau est président départemental de la Fédération ouvrière et paysanne des anciens combattants (FOPAC).
  • Témoin(s) :
    Dousseau Pierre En savoir plus

    Pierre Dousseau est né en 1925 de parents agriculteurs de la région de Thenon. Il a suivi les évènements internationaux survenus à la fin des années 1930 et constaté la mutation de sa région sous l'occupation. Trop jeune pour avoir été requis par le Service du travail obligatoire (STO), il s'est engagé dans le groupe Roger de l'Armée secrète (AS) en juin 1944, et a participé aux combats du front de l'Atlantique.

  • Description :

    Entretien réalisé le 7 juillet 2009 à Périgueux. Durée : 1 h 11 min 34 s

  • Sujet(s) :
    50e régiment d'infanterie, Autorité d'occupation, Brehmer, division, Économie, Francs-tireurs et partisans français (FTPF), Juif, Mobilisation, Population rurale, Rac, Brigade (Armée secrète), Rationnement, Renseignement, Réquisition, Roger, groupe (Armée secrète)
  • Lieu(x) :
    Angoulême (Charente), Atlantique, poches de l' (1944-1945), Gabillou, Saujon (Charente-Maritime), Thenon
  • Evénement(s) :
    Gouvernement de Vichy (1940-1944)
  • Personne(s) citée(s) :
    Deschamps Roger, Ranoux Roger (dit Hercule), Richard Roger
  • Cote :
    14 AV 55

Photos

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  • Présentation
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    Pierre Dousseau est né en 1925 à Gabillou dans une famille d'agriculteurs, propriétaires d'une petite exploitation.
  • Souvenirs des années 1930
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    Pierre Dousseau évoque ses souvenirs du Front populaire, de l'arrivée au pouvoir d'Hitler et de l'arrivée des réfugiés du Bas-Rhin. Il précise que son père n'était pas engagé dans le premier conflit mondial compte tenu de son âge. Sa famille suit les évènements avec attention, principalement par la lecture de la presse. Il parle de l'arrivée des réfugiés espagnols, dont quelques uns étaient employés aux travaux forestiers à Gabillou. Il parle également des accords de Munich en 1938, et souligne que la population a accueilli cela comme un soulagement.
  • Déclaration de guerre et défaite de 1940
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    À la déclaration de guerre en 1939, il se souvient de l'ordre de mobilisation qui a interrompu les battages. Il explique que cela a été un choc moral, bien que la guerre paraissait inéluctable pour certains. Il souligne l'optimisme général, et de la certitude de la victoire, comme en 1918. Puis la campagne de mai 1940 a provoqué la surprise lorsque les percées allemandes ont pénétré les lignes françaises. Il a le souvenir de l'armée française en déroute et d'unités repliées dans la région de Thenon. Il parle également des prisonniers. Il explique que l'arrivée au pouvoir du maréchal Pétain a fourni un grand espoir, après la déception de la défaite. Pierre Dousseau qui a terminé ses études aide alors ses parents aux travaux agricoles.
  • Premiers signes de Résistance
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    Il engage des discussions patriotiques avec Latouche, un adjudant de l'armée de l'air, démobilisé. Pierre Dousseau explique qu'en 1941, avec la formation d'un front à l'est, un certain espoir est né. Il parle d'un lâcher de tracts incitant à la Résistance par des avions britanniques, en 1942. Il explique que des interrogations sont apparues dans la population avec le Service du travail obligatoire, et que la Résistance est apparue en 1943.
  • Les réfugiés du Bas-Rhin
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    Il se souvient des réfugiés alsaciens installés à Gabillou dans des conditions précaires, et accueillis tout d'abord froidement. Il précise que trois familles sont restées à Gabillou.
  • Naissance de la Résistance
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    Pierre Dousseau explique que le franchissement de la ligne de démarcation par les troupes d'occupation le 11 novembre 1942 a provoqué un changement dans l'état d'esprit. Puis il explique que le Service du travail obligatoire a produit des réfractaires qui sont devenus des résistants. Il précise que la population n'a pas mis ces jeunes en danger. Il évoque un homme de la Milice qui vivait dans la région et qui questionnait les gens. Il évoque le groupe de Francs-tireurs et partisans de Roger Ranoux dont les actions sont connues et commentées en 1944. Il parle de l'arrivée des troupes d'occupation en Dordogne et des convois en patrouille sur la route nationale n°89.
  • La division Brehmer dans la région de Thenon (mars 1944)
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    Pierre Dousseau parle du passage de la division Brehmer dans la région de Thenon, le 30 mars 1944. Il a entendu des bruits de canons dès le matin et se rend dans un champ l'après-midi, en bordure de la route départementale n°67. Des véhicules allemands se sont arrêtés à sa hauteur : n'ayant pas de papiers d'identité sur lui, il est conduit chez lui sous la menace d'une arme. Après contrôle il est relâché. Il fait le récit de la fuite d'une femme effrayée, sur laquelle les soldats ont ouvert le feu sans l'atteindre. Il explique également comment, dès le matin, il a aidé une famille juive, les Welder, à se cacher dans les bois. Il se souvient que la division recherchait des terroristes.
  • Le groupe Roger (Armée secrète)
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    Pierre Dousseau explique qu'il est entré dans la Résistance armée après le 6 juin 1944, lorsque le groupe Roger de l'Armée secrète a recensé les jeunes à Thenon. Il reçoit une instruction militaire, fondée sur le maniement des armes dans le camp de la forêt de la Meysselie, près d'Ajat. L'encadrement est assuré par Roger Deschamp et d'anciens militaires de carrière, comme le capitaine Richard. Il explique que ce camp avait été fondé par des réfractaires en 1943. Il décrit l'organisation du camp, composé de tentes, d'une cuisine roulante de l'armée française et d'un service de logistique.
  • Les opérations du groupe Roger
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    Après cette période d'instruction, des opérations sont organisées : des surveillances de voies de communication et des embuscades. Pour la surveillance, deux observateurs sont cachés le long des routes pour signaler la nature du passage, puis un groupe d'hommes en arrière était prêt à intervenir. Il parle d'une embuscade le 9 août 1944, au niveau du lieu-dit Le Chauze, entre Thenon et Azerat. Pierre Dousseau explique les principes d'organisation d'une embuscade : le renseignement était capital, puis des lieux stratégiques étaient choisis ainsi qu'un itinéraire de repli, avant que soient positionnées des équipes d'assaut et de renfort.
  • Formation et encadrement des FTP et de l'AS
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    Pierre Dousseau souligne que l'encadrement par des officiers et sous-officiers de l'armée française a été décisif pour les groupes de l'Armée secrète. Selon lui le commandement faisait défaut aux Francs-tireurs et partisans, qui avaient créé en Dordogne une école des cadres afin d'y remédier.
  • La Libération puis le front de l'Atlantique
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    Le 14 août 1944, la compagnie de Pierre Dousseau est dirigée sur Périgueux. Il évoque la mémoire du lieutenant Chastaing tombé lors de la libération de Périgueux. Le 22 août il participe au défilé de la libération. Puis il est engagé pour la libération d'Angoulême, et cantonnée dans la région de Saujon (Charente-Maritime). Le groupe AS Roger fusionne avec la brigade Rac pour former le 50e régiment d'infanterie. Pierre Dousseau, qui est alors mineur, ne s'engage pas pour la durée de la guerre.
  • Retour à la vie professionnelle
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    Il rejoint la ferme familiale en décembre 1944, et à la fin de la guerre il reprend ses études par correspondance. Il est engagé au Centre hospitalier de Périgueux où il travaille à la ferme puis à l'économat, et enfin à l'entretien général jusqu'à sa retraite. Il parle de la ferme de l'hôpital et des élevages destinés aux cuisines.
  • Économie d'occupation et formation des maquis
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    Pierre Dousseau précise que la question économique a été décisive pour la formation des maquis. Le contrôle économique sur les productions, le rationnement et les prix imposés exerçaient une contrainte sur les campagnes. Les réquisitions et le service de contrôle ont détourné du gouvernement de Vichy une population rurale jalouse de sa liberté.