Puis il évoque l’évacuation vers Sachsenhausen-Oranienburg en septembre 1944, dans des wagons où les déportés sont entassés à 110 personnes : il était impossible de s’asseoir, s’allonger ou faire ses besoins. Marcel Debrouwer décrit la soif, plus insupportable que la faim. C’est en léchant la rosée du matin sur les barbelés de l’ouverture du wagon qu’il a pu avoir un peu d’eau. Après deux jours et trois nuits, ils arrivent à Sachsenhausen où ils sont mis à disposition de l’usine Enckel (orthographe imprécise) à quelques kilomètres d’Oranienburg. Ils sont installés dans un camp secondaire et travaillent à la fabrication d’ailes d’avions. Les conditions de travail sont pénibles, avec une carence alimentaire considérable : soupe d’épluchures, pain à raison de 250 grammes par personne, et très rarement un ersatz de saucisson avec de la margarine. Marcel Debrouwer décrit alors les conditions de la survie des déportés au sein d’un camp de concentration : être jeune, en bonne santé, et surtout ne pas être isolé. C’est pour cela que les membres d’une communauté, ayant foi en un idéal ont mieux survécu : ce fut le cas des communistes et des religieux.
Au printemps 1945, la production industrielle est fortement ralentie et Marcel Debrouwer peut voir des réfugiés sur les routes fuyant l’avancée des troupes soviétiques. Au début du mois de mai les nazis quittent le camp dans la précipitation en invitant les déportés à les suivre, les menaçant du sort que leur réserveraient les soviétiques. Mais tous les déportés demeurent sur place. Marcel Debrouwer pèse alors 32 kilogrammes. Livrés à eux-mêmes, ils quittent le camp à pied en direction de Berlin. C’est là qu’ils apprennent le cessez le feu et la fin de la guerre. Avec un camarade belge ils sont recueillis dans une caserne soviétique puis transportés à Magdebourg vers la zone d’occupation française, où ils sont auscultés par des médecins américains. Ces derniers leur recommandent de manger modérément et de boire du lait : compte tenu de leur état de santé, une alimentation riche et brutale pouvait les mener à la mort. Ils sont rapatriés en France via la Hollande et la Belgique car le réseau ferroviaire allemand est ravagé par la guerre. À Liège, il fait prévenir sa famille par le poste de radio de la gare : il apprendra plus tard que ses parents ont connu une immense joie, alors que la Croix-Rouge suisse leur avait annoncé sa mort. À Paris, il est conduit comme tous les déportés à l’hôtel Lutécia avant de rejoindre une de ses sœurs rue Taitbout.
Il profite de l’occasion pour s’inscrire à la Fédération des déportés et recueillir du matériel pour organiser un comité à Berck. C’est avec un médecin Juif qui a perdu sa famille dans les camps de la mort qu’il constitue ce comité dans le Pas-de-Calais : ils organisent des réunions publiques dans le département. Il reprend également ses activités au Parti communiste.
Sa fédération de déporté l’informe qu’une jeune fille, déportée à Ravensbrück à l’âge de 17 ans, est hospitalisée à Berck. Marcel Debrouwer lui rend visite pour lui porter des colis. C’est aujourd’hui madame Geneviève Debrouwer.
Par l’intermédiaire de son père, gardien de la colonie de vacances de Montreuil à Berck, Marcel Debrouwer entre en contact avec le maire de Gentilly. Alors sans emploi, ce dernier lui propose le poste de gardien de la colonie de vacances de Gentilly à Excideuil en Dordogne.
C’est en 1950 qu’il s’installe à Excideuil et y poursuit son activité de militant politique.