Son père, actif au sein du syndicalisme paysan suivait l’action politique de Renaud Jean et des animateurs de ce mouvement dans la région : Blanchou de La Coquille (voir le témoignage de Nancette Blanchou sur ce site) et son fils. Militant communiste, il ne cachait pas ses convictions, participait aux débats politiques et était un lecteur de la presse de gauche. Très marqué par la guerre, il était antifasciste et condamnait les clauses du traité de Versailles, convaincu qu’il portait les germes d’un prochain conflit. La montée du fascisme en Europe et la guerre d’Espagne ont profondément marqué sa famille, qui a hébergé un jeune combattant espagnol. Michelle Ranoux garde le souvenir de l’arrivée d’Hitler au pouvoir : bien que très jeune, elle se souvient des nombreuses discussions qui animent le village. L’arrivée du front Populaire a constitué une immense joie pour sa famille, mais aussi pour la population du Nontronnais qui a élu un député communiste, Gustave Saussot. Mais son père n’avait pas confiance en la social-démocratie : l’abandon des républicains espagnols par le gouvernement de Léon Blum fut une profonde déception.
Dans l’entre deux guerres les conditions de vie sont difficiles pour les petits paysans : la famille vit dans une grande pièce chauffée par une cheminée et l’eau est tirée du puits. Cet inconfort a probablement rendu malade l’une des sœurs de Michelle Ranoux, victime d’une bronchopneumonie qui l’a emportée.
La déclaration de guerre en 1939 n’a pas surpris la famille Puyrigaud, compte tenu du contexte international. Le père de Michelle Ranoux n’est pas mobilisé en raison de son âge et s’attend à un coup dur porté par l’Allemagne. La défaite et la désorganisation militaire, institutionnelle et morale est parfaitement ressentie par la famille Puyrigaud et l’arrivée au pouvoir du Maréchal Pétain ne convainc pas. Les activités communistes de son père se poursuivent cependant : les rencontres entre responsables du Parti communiste à Thiviers se produisent toujours, sans matériel de propagande. Lorsque le Parti communiste est interdit, son père prend des précautions et s’exprime beaucoup moins en public. Dans l’année 1941, les responsables du PCF lui communiquent du matériel de propagande, des papillons, des tracts. La famille, qui possède une radio, écoute Radio Andorre et surtout Radio Londres et Radio Moscou.
L’entrée en Résistance de Michelle Ranoux s’est produite dans la continuité de l’action politique. En 1943 le PCF passe à l’organisation de groupes de jeunes en vue de la lutte armée, et c’est Jean Suret-Canale qui est chargé de cette mission en Dordogne. C’est à cette époque que deux jeunes de l’entourage de Michelle Ranoux, Alphonse Puybaraud et Maurice Ouzeau, réfractaires au service du travail obligatoire (STO), deviennent clandestins et forment le premier maquis Franc tireur et partisan (FTPF) en mars-avril 1943. Jean Suret-Canale sollicite Michelle Ranoux pour l’organisation des jeunes dans la région de Thiviers. Son travail consistait à constituer des groupes de trois, pour la sécurité. En effet, si un homme est arrêté il ne peut dénoncer que deux autres personnes. Ces cellules organisées en FTP légaux avaient pour mission de diffuser information et propagande, et saboter les installations au service de l’occupant. Dans ce milieu favorable, elles se constituent rapidement : à la fin de l’année 1943, quatre-vingt jeunes sont organisés. Par le recrutement de ces jeunes, ce sont ensuite les familles, plus réservées, qui seront acquises à la Résistance. Dans cette organisation, le rôle de Jeantin Mazière (dont le témoignage figure sur ce site) a été déterminant : ses connaissances du monde rural, ses amitiés avec la jeunesse locale par son club de football vont le conduire à orienter et aiguiller les jeunes dans les FTP-F. Michelle Ranoux, en contact fréquent avec les différents responsables locaux se déplace à bicyclette et rend compte régulièrement à Suret-Canale dont l’objectif est l’écoute de l’opinion afin d’orienter les actions.
Puis, début 1944 se forment dans la région de Thiviers les Forces unies de la jeunesse patriotique (FUJP) et à la veille du débarquement ce sont quatre cents jeunes qui sont en mesure d’être mobilisés par la Résistance locale. Les consignes du PCF sont alors une levée en masse : les « légaux » sont invités à rejoindre les groupes armés, sous le contrôle de Jeantin Mazière. Dans la région, mille deux cent volontaires rejoignent progressivement les groupes armés.
Michelle Ranoux relate le passage par deux fois de la Milice dans son village, sans que personne ne soit inquiété : c’est la démonstration de l’acquisition de la population rurale à la cause des maquis, mais aussi que la sécurité mise en œuvre par les FTP-F a été efficace.
À la Libération, Michelle Ranoux est appelée à la direction des Jeunesses communistes à Périgueux, où elle a rencontré son futur mari, Roger Ranoux.
Nota :
Renaud Jean : syndicaliste agricole, puis député communiste du Lot-et-Garonne en 1920, il fut une figure populaire de la défense des petits paysans dans l’entre-deux guerres.
Gustave Saussot : né en 1900 à Miallet (canton de Saint-Pardoux-la-Rivière), il est l’un des deux élus communistes de la Dordogne en 1936, avec Paul Loubradou à Bergerac.
Jean Suret-Canale : géographe et historien de l’Afrique, militant communiste, (1921-2007) il a activement participé à l’organisation de la Résistance des FTP. Il fut l’un des fondateurs du Centre d’études et de recherches marxistes (CERM) et membre du comité central du PCF.
Forces unies de la jeunesse patriotique (FUJP) : organisation née en octobre 1943 qui regroupe de jeunes patriotes, qu’ils soient chrétiens, laïcs ou communistes.