Le 21 avril, les hommes du convoi sont transférés à Melck, kommando de Mauthausen, où les déportés construisent des galeries souterraines. C’est ainsi que les liens crées à Compiègne demeurent. Ils sont les premiers à Melk, et participent à la construction du camp. La direction administrative du camp était tenue par les déportés politiques, ce qui constitue une chance : une organisation clandestine a pu se mettre en œuvre pour sauver le maximum de vies. Le responsable clandestin du camp était un Allemand emprisonné depuis 1933, le secrétaire était un Français, Pichon, devenu proche du général de Gaulle. Les familles politiques et religieuses se sont organisées au sein de ce camp : que ce soit le Parti communiste, ou encore les Gaullistes. René Chouet est intégré à la famille des communistes dans l’un des groupes de trois déportés, appelés les « gourbis ». Cette structure clandestine organise la solidarité matérielle (par le partage équitable), et rend leur dignité aux déportés dans un contexte de destruction physique et morale de l’Homme. Mais elle maintient aussi un culte de l’espoir : la victoire de l’Armée Rouge est une certitude pour les déportés qui arrivent à obtenir des informations. Les discussions politiques engagées à Compiègne se poursuivent à Melk : la construction d’une société meilleure anime les déportés, ce qui encourage leur espoir et relève leur moral. C’est cela qui a motivé et animé plus tard l’engagement politique de René Chouet.
Il décrit également comment les organisations clandestines essaient de parer la maladie, qui est aussi le quotidien des déportés : les malades de la dysenterie sont dissuadés de boire l’eau des blocks, impropre à la consommation. Pour cela René Chouet est chargé d’empêcher les malades de boire en s’interposant physiquement. Après cela, par sécurité, l’organisation clandestine le transférera à la forge afin qu’il ne soit pas repéré par les Nazis. Son travail consiste à affûter les pointes de marteaux piqueurs. Ensuite René Chouet est affecté à la réparation des outils destinés à évacuer les gravas (roulements à bille des tapis roulant) : il devient serrurier soudeur. Sans protection pour souder, il devient aveugle quelques jours, puis recevra un éclat de métal dans un œil. C’est grâce aux soins d’un médecin français et avec l’appui de l’organisation clandestine que son œil sera sauvé.
Il décrit alors la résistance des déportés qui travaillent à minima dans les galeries, ou qui fragilisent les pointes des marteaux piqueurs par un mauvais trempage. Toutefois, ces formes de résistance ne devaient pas être excessives afin d’éviter les représailles : c’est à un fin calcul que les déportés se livraient. René Chouet précise qu’un soulèvement désespéré d’officiers russes a eu lieu sans succès, et qu’une seule évasion a été réussie à Melk.
Il souligne également le rôle de l’Église au sein du camp, et en particulier de l’abbé Varnoux de la de Saint-Junien (Haute-Vienne). Celui-ci avait choisi de rester parmi les déportés, alors que les prêtres avaient été rassemblés à Dachau. Il organisait des communions clandestines, dont la sécurité était assurée par les communistes.
Devant l’avancée des troupes soviétiques, les déportés sont évacués à Ebensee (camp de concentration près de Linz en Autriche, kommando de Mauthausen ) où ils creusent des galeries. La mortalité des déportés y est alors considérable : sept mille personnes étaient à l’infirmerie et cinq à six mille mourront durant le dernier mois. Les corps jonchent les allées de ce camp qui compte environ dix-huit mille déportés, quasiment plus nourris. Le camp est nu : l’herbe, les feuilles et l’écorce des arbres ont servi de nourriture. Certains se livreront même au cannibalisme. Une organisation clandestine y est également opérationnelle et découvre que devant l’arrivée des Alliés le projet des Nazis est d’entraîner les déportés dans les galeries, puis de les dynamiter. C’est environ dix mille déportés qui, sur la place de l’appel refusent de se rendre dans les galeries. Les Nazis fuient et l’administration du camp est aux mains des déportés. À l’arrivée des Américains, le 6 mai 1945, c’est la liesse parmi les déportés. René Chouet, victime de la dysenterie pour la deuxième fois, est pris en charge par ses camarades qui le sauvent. C’est ainsi qu’il fait connaissance des hommes qui ont constitué l’organisation clandestine. Un meeting politique est même organisé par les communistes : c’est à cette occasion que René Chouet reçoit sa carte du Parti communiste, section d’Ebensee.
Après une visite médicale, il découvre qu’il a la tuberculose. Il regagne la France, via Nuremberg en ruine. À Périgueux, sa mère l’attend tous les jours, et sur le quai de la gare elle ne reconnaît pas son fils : c’est lui qui se présente à elle. L’accueil dans son quartier est extrêmement chaleureux. Il revient des camps avec deux obsessions : manger et vivre dans le silence.
Tuberculeux, il est en traitement à la cité sanitaire de Clairvivre durant deux ans. Membre du Parti communiste, il suit le parcours d’un militant de la région dans les réunions de cellules. Il s’engage alors pleinement dans la vie politique et associative et fait la connaissance de Lucien Cournil (dont le témoignage est en ligne sur ce site) à la direction de l’Union de la jeunesse républicaine de France (UJRF : mouvement de la jeunesse communiste créé en avril 1945, qui précède le Mouvement des jeunes communistes créé en 1956).
Dans une école nationale de la jeunesse, il rencontre Danièle, son épouse, originaire du Rhône et elle-même Résistante et fille de Résistant.