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De l'engagement résistant à Mauthausen (2) - René Chouet

Le témoignage

René Chouet (2) - Témoignage intégral
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René Chouet reprend le récit à son arrivée au camp de Mauthausen, le 9 avril 1944. Les déportés sont passés à la douche, entièrement rasés puis entassés sous les coups à raison de 300 personnes dans un block de quarantaine. René Chouet assiste alors aux premiers trafics entre déportés (échange de soupe, de cigarettes). Il reçoit sa tenue avec le numéro qui remplace son nom : il est devenu un « stück », un morceau. Ils sont conduits à la carrière de Mauthausen et y découvre les escaliers aux 186 marches qui ont coûté la vie à des milliers d’Espagnols. Les déportés sont équipés de sandalettes aux semelles de bois et doivent évoluer sur un sol très irrégulier.
Le 21 avril, les hommes du convoi sont transférés à Melck, kommando de Mauthausen, où les déportés construisent des galeries souterraines. C’est ainsi que les liens crées à Compiègne demeurent. Ils sont les premiers à Melk, et participent à la construction du camp. La direction administrative du camp était tenue par les déportés politiques, ce qui constitue une chance : une organisation clandestine a pu se mettre en œuvre pour sauver le maximum de vies. Le responsable clandestin du camp était un Allemand emprisonné depuis 1933, le secrétaire était un Français, Pichon, devenu proche du général de Gaulle. Les familles politiques et religieuses se sont organisées au sein de ce camp : que ce soit le Parti communiste, ou encore les Gaullistes. René Chouet est intégré à la famille des communistes dans l’un des groupes de trois déportés, appelés les « gourbis ». Cette structure clandestine organise la solidarité matérielle (par le partage équitable), et rend leur dignité aux déportés dans un contexte de destruction physique et morale de l’Homme. Mais elle maintient aussi un culte de l’espoir : la victoire de l’Armée Rouge est une certitude pour les déportés qui arrivent à obtenir des informations. Les discussions politiques engagées à Compiègne se poursuivent à Melk : la construction d’une société meilleure anime les déportés, ce qui encourage leur espoir et relève leur moral. C’est cela qui a motivé et animé plus tard l’engagement politique de René Chouet.
Il décrit également comment les organisations clandestines essaient de parer la maladie, qui est aussi le quotidien des déportés : les malades de la dysenterie sont dissuadés de boire l’eau des blocks, impropre à la consommation. Pour cela René Chouet est chargé d’empêcher les malades de boire en s’interposant physiquement. Après cela, par sécurité, l’organisation clandestine le transférera à la forge afin qu’il ne soit pas repéré par les Nazis. Son travail consiste à affûter les pointes de marteaux piqueurs. Ensuite René Chouet est affecté à la réparation des outils destinés à évacuer les gravas (roulements à bille des tapis roulant) : il devient serrurier soudeur. Sans protection pour souder, il devient aveugle quelques jours, puis recevra un éclat de métal dans un œil. C’est grâce aux soins d’un médecin français et avec l’appui de l’organisation clandestine que son œil sera sauvé.
Il décrit alors la résistance des déportés qui travaillent à minima dans les galeries, ou qui fragilisent les pointes des marteaux piqueurs par un mauvais trempage. Toutefois, ces formes de résistance ne devaient pas être excessives afin d’éviter les représailles : c’est à un fin calcul que les déportés se livraient. René Chouet précise qu’un soulèvement désespéré d’officiers russes a eu lieu sans succès, et qu’une seule évasion a été réussie à Melk.
Il souligne également le rôle de l’Église au sein du camp, et en particulier de l’abbé Varnoux de la de Saint-Junien (Haute-Vienne). Celui-ci avait choisi de rester parmi les déportés, alors que les prêtres avaient été rassemblés à Dachau. Il organisait des communions clandestines, dont la sécurité était assurée par les communistes.
Devant l’avancée des troupes soviétiques, les déportés sont évacués à Ebensee (camp de concentration près de Linz en Autriche, kommando de Mauthausen ) où ils creusent des galeries. La mortalité des déportés y est alors considérable : sept mille personnes étaient à l’infirmerie et cinq à six mille mourront durant le dernier mois. Les corps jonchent les allées de ce camp qui compte environ dix-huit mille déportés, quasiment plus nourris. Le camp est nu : l’herbe, les feuilles et l’écorce des arbres ont servi de nourriture. Certains se livreront même au cannibalisme. Une organisation clandestine y est également opérationnelle et découvre que devant l’arrivée des Alliés le projet des Nazis est d’entraîner les déportés dans les galeries, puis de les dynamiter. C’est environ dix mille déportés qui, sur la place de l’appel refusent de se rendre dans les galeries. Les Nazis fuient et l’administration du camp est aux mains des déportés. À l’arrivée des Américains, le 6 mai 1945, c’est la liesse parmi les déportés. René Chouet, victime de la dysenterie pour la deuxième fois, est pris en charge par ses camarades qui le sauvent. C’est ainsi qu’il fait connaissance des hommes qui ont constitué l’organisation clandestine. Un meeting politique est même organisé par les communistes : c’est à cette occasion que René Chouet reçoit sa carte du Parti communiste, section d’Ebensee.
Après une visite médicale, il découvre qu’il a la tuberculose. Il regagne la France, via Nuremberg en ruine. À Périgueux, sa mère l’attend tous les jours, et sur le quai de la gare elle ne reconnaît pas son fils : c’est lui qui se présente à elle. L’accueil dans son quartier est extrêmement chaleureux. Il revient des camps avec deux obsessions : manger et vivre dans le silence.
Tuberculeux, il est en traitement à la cité sanitaire de Clairvivre durant deux ans. Membre du Parti communiste, il suit le parcours d’un militant de la région dans les réunions de cellules. Il s’engage alors pleinement dans la vie politique et associative et fait la connaissance de Lucien Cournil (dont le témoignage est en ligne sur ce site) à la direction de l’Union de la jeunesse républicaine de France (UJRF : mouvement de la jeunesse communiste créé en avril 1945, qui précède le Mouvement des jeunes communistes créé en 1956).
Dans une école nationale de la jeunesse, il rencontre Danièle, son épouse, originaire du Rhône et elle-même Résistante et fille de Résistant.
  • Témoin(s) :
    Chouet René En savoir plus

    René Chouet est né en 1924 dans une famille ouvrière de Périgueux. Apprenti plâtrier à la fin des années 1930, il joue au football dans un club sportif de Périgueux. La défaite française de 1940 et les compromissions du régime de Vichy font naître en lui un esprit de résistance et une conscience politique. En compagnie de jeunes gens il proteste spontanément et marque son désaccord contre l'occupation et la politique de collaboration. Il décide de se soustraire aux Chantiers de jeunesse et de rejoindre les maquis. Imprudent, il est arrêté en février 1944. Interrogé par la Gestapo il est transféré à Limoges, puis Compiègne et enfin Mauthausen. Intégré à l'organisation clandestine du camp, il participe à des opérations de sauvetage et de résistance. En mai 1945 le camp est libéré, et il adhère au parti communiste. De retour en Dordogne il s'engage dan la vie politique.

  • Description :

    Entretien réalisé le 15 juin 2009 à Périgueux. Durée : 1 h 23 min 53 s

  • Sujet(s) :
    Acte d'opposition, Armée rouge (URSS), Camp d'internement, Clandestinité, Comité des intérêts français, Déporté, Évacuation, Fédération des déportés, Militant politique, Mouvement des jeunes communistes de France, Parti communiste
  • Lieu(x) :
    Claivivre (commune de Salagnac), Ebensee, camp de concentration (Autriche), Mauthausen, camp de concentration (Autriche), Melk, camp de concentration (Autriche), Périgueux, Salagnac
  • Personne(s) citée(s) :
    Cournil Lucien, Varnoux Jean
  • Cote :
    14 AV 37-38

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  • 9 avril 1944 : Mauthausen
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    À Mauthausen il constate des trafics entre déportés (cigarettes contre soupe). Dès leur arrivée, les déportés sont passés à la douche, entièrement rasés puis entassés sous les coups à raison de trois-cent personnes dans un block de quarantaine. Il décrit la violence, les rassemblements place de l'appel, puis reçoit sa tenue avec le numéro qui remplace son nom : il est devenu un stück, un morceau. Ensuite il découvre la carrière de Mauthausen et fait la description de la tenue des déportés (des sandalettes de bois) et de la violence des chiens de garde.
  • Melk et la formation d'organisations clandestines
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    Le 21 avril, les hommes du convoi sont transférés à Melk, kommando de Mauthausen, où les déportés creusent des galeries souterraines. Il souligne que les liens tissés au camp de Compiègne demeurent à Melk, car le convoi n'a pas été séparé. Il décrit la direction administrative du camp, initialement tenue par des prisonniers de droit commun, puis par des déportés politiques : une organisation clandestine a pu se mettre en œuvre pour sauver le maximum de vies. Le responsable clandestin du camp était un Allemand emprisonné depuis 1933, et le secrétaire un Français, devenu proche du général de Gaulle. René Chouet précise que les familles politiques ou confessionnelles se sont organisées clandestinement. Ceci formera le Comité de défense des intérêts français.
  • Rôle politique de l'organisation clandestine
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    René Chouet décrit comment il est intégré à la famille des communistes dans l'un des groupes de trois déportés, appelés les gourbis. Cette structure clandestine organise la solidarité matérielle (par le partage équitable), et vise à rendre leur dignité aux déportés dans un contexte de destruction physique et morale. Mais l'organisation maintient aussi le culte de l'espoir : la victoire de l'Armée rouge est une certitude pour les déportés. Les discussions politiques engagées à Compiègne se poursuivent à Melk : la construction d'une société meilleure anime les déportés, ce qui encourage leur espoir et relève leur moral. C'est cela qui a motivé et animé plus tard l'engagement politique de René Chouet.
  • Maladie, infirmerie et organisations clandestines
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    Il décrit comment les organisations clandestines essaient de parer la maladie, le quotidien des déportés. La dysenterie est très répandue et les malades sont dissuadés de boire l'eau des blocks, impropre à la consommation. René Chouet est chargé de les empêcher de boire en s'interposant.
  • Le travail à Mauthausen
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    Par sécurité, l'organisation clandestine le transfère à la forge afin qu'il ne soit pas repéré par les nazis. René Chouet y est chargé d'affuter les pointes de marteaux-piqueurs des déportés employés à creuser des usines souterraines. Puis il devient serrurier-soudeur, pour la réparation des outils destinés à évacuer les gravas (roulements à bille des tapis roulant). Sans protection pour souder, il devient aveugle quelques jours, puis reçoit un éclat de métal dans un œil. Il explique comment l'organisation clandestine du camp lui permettra de recevoir des soins.
  • L'espoir
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    Il décrit où les déportés recherchent et trouvent un espoir salutaire. Il parle de ses discussions avec les chrétiens, d'un avocat qui lisait les lignes de la main. Il souligne le rôle de l'Église au sein du camp, en particulier celui de l'abbé Varnoux. Alors que les prêtres avaient été rassemblés à Dachau, celui-ci avait choisi de rester parmi les déportés de Mauthausen. René Chouet décrit comment ce prêtre organisait des communions clandestines, dont la sécurité était assurée par les communistes.
  • Les tentatives de soulèvement des déportés
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    Il évoque des opérations désespérées d'évasion, dont une réussie à Melk. La plupart des évadés sont rapidement repris et condamnés à mort. Il évoque les terribles techniques de mise à mort : les pendaisons, les aspersions d'eau par grand froid, les déportés affaibli que l'on force à danser jusqu'à la mort. Puis il parle des fours crématoires, où des hommes agonisant sont dirigés. Il rend hommage aux hommes qui ont résisté à l'asservissement et à la négation absolue de leur humanité.
  • Évacuation des déportés à Ebensee devant l'avancée soviétique
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    Devant l'avancée des troupes soviétiques, les déportés sont évacués par divers moyens à Ebensee, où ils creusent des galeries souterraines. Une organisation clandestine y est également opérationnelle, mais la mortalité des déportés y est considérable. Les corps jonchent les allées du camp qui compte environ dix-huit mille déportés René Chouet décrit le camp : les déportés se sont nourris de l'herbe, des feuilles et de l'écorce des arbres. Certains se sont livrés au cannibalisme. René Chouet est victime de la dysenterie pour la deuxième fois : il est pris en charge par ses camarades qui parviennent à le sauver.
  • Libération du camp d'Ebensee
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    Il décrit comment les déportés découvrent que le projet des nazis est de les éliminer, et comment ils s'y opposent massivement. Après la fuite des nazis le camp est aux mains des déportés. À l'arrivée des Américains, début mai 1945, c'est la liesse parmi les déportés. René Chouet décrit comment il est pris en charge par ses camarades pour le sauver de la dysenterie. Il fait alors connaissance des hommes qui ont constitué l'organisation clandestine, puis il explique comment les déportés se sont mis à la recherche de nourriture. Un meeting politique est organisé par les communistes : c'est à cette occasion que René Chouet reçoit sa carte du parti communiste.
  • Adhésion au Parti communiste puis retour en France
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    René Chouet reprend le récit au moment du meeting politique organisé à Melk. Il devient membre du parti communiste, et découvre que tous les déportés qui lui ont demandé de mener des actions clandestines sont des membres du Parti. Lors d'une visite médicale, il apprend qu'il est atteint de la tuberculose, ce qui lui interdit une évacuation aérienne. Mais l'évacuation se fera en camions, à travers une Allemagne détruite. Il regagne Paris en train, où il transite par l'hôtel Lutetia.
  • Retour à Périgueux
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    À Périgueux, sa mère l'attend tous les jours, mais sur le quai de la gare, elle ne le reconnait pas. L'accueil dans son quartier est extrêmement chaleureux. Il décrit ses besoins : manger, vivre dans le silence, se promener sur les boulevards de Périgueux. Atteint de tuberculose, il doit suivre un traitement médical et dit sa crainte des piqûres, en reconnaissant que cela reste paradoxe, après avoir subi les camps.
  • Convalescence à Clairvivre et engagement politique
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    En juillet 1945 il est admis à la cité sanitaire de Clairvivre (commune de Salagnac), où il demeurera deux ans. Membre du Parti communiste français, il suit un militant de la région dans les réunions, puis fait des écoles de formation de militant. Il décrit l'atmosphère joyeuse à la cité de Clairvivre. Il s'engage alors pleinement dans la vie politique et associative auprès de la Fédération des déportés. À sa sortie de la cité sanitaire, il participe à un congrès de l'Union de la jeunesse républicaine de France, en compagnie de Lucien Cournil. Ils en deviennent des dirigeants, puis René Chouet prendra une direction fédérale du parti communiste. Il décrit sa foi en l'être humain, son espoir, et son optimisme en l'avenir de l'humanité. Il parle de son épouse, Danièle, rencontrée dans une école nationale de la jeunesse, originaire du Rhône et elle-même résistante et fille de résistant.