[Aller au menu]

Tous les témoignages recueillis ne figurent pas encore sur le site, qui est mis à jour régulièrement

De l'engagement résistant à Mauthausen (1) - René Chouet

Le témoignage

René Chouet (1) - Témoignage intégral
En savoir plus
René Chouet est né le 29 mai 1924 à Périgueux dans une famille ouvrière : sa mère faisait des ménages et son père exerçait divers métiers. Ancien combattant de la Première guerre mondiale, son père avait passé sept années sous les drapeaux ce qui avait affecté sa santé. La famille qui compte deux enfants (il est l’aîné) vit dans un appartement de deux pièces dans le quartier Saint-Georges, sans eau ni électricité. Ses parents accueillent dans ces conditions précaires deux cousins orphelins. Le quartier est très populaire et les conditions de vie y sont identiques pour de nombreuses familles, mais une certaine solidarité y règne. Ses parents cultivent un jardin afin de compléter leurs revenus. Il se souvient des repas familiaux où ses oncles évoquaient la Première guerre mondiale : ces récits ont forgé chez lui une conscience patriote accompagnée d’une grande méfiance de l’Allemagne.
Il va à l’école primaire de Saint-Georges jusqu’au certificat d’études, puis à l’école professionnelle pendant deux ans. Il entre ensuite dans la vie professionnelle : d’abord dans un atelier de fabrication de lettres pour couronnes mortuaires, puis dans la maçonnerie auprès d’un oncle italien ayant fuit le fascisme et enfin devient apprenti plâtrier chez un artisan qui lui forme une conscience professionnelle aiguë. Il joue également au football dans divers le club de son quartier puis au COPO (Club Olympique Périgueux Ouest ).
René Chouet n’a pas de conscience politique alors bien que son père soit anarcho-syndicaliste. Les évènements de 1934 et 1936 ainsi que la politique internationale lui échappent. Mais il a tout de même l’amour de la patrie, de la République et de la liberté inculqué par ses instituteurs, ainsi qu’une certaine conscience de l’existence d’une classe ouvrière. La déclaration de la guerre et la défaite de l’Armée française l’affectent particulièrement. Sa révolte naît avec l’occupation et la collaboration du Maréchal Pétain. Il est révolté par la Marseillaise oubliée et remplacée par la chanson dédiée au Maréchal : pour répondre à « Maréchal nous voilà ! » il compose « Maréchal halte-là ! » entre décembre 1940 et juin 1941. Le rejet de l’ordre établi se manifeste par les chants (la Marseillaise, l’Internationale), les sifflets et dans la pénombre et surveillées par la police), et des slogans à la craie écris subrepticement sur les murs (René Chouet se fabrique des bâtons de plâtre) : des croix de Lorraine, « Vive de Gaulle », « À bas les Boches », « À mort Pétain ». C’est pour René Chouet une période d’exaltation et de protestation durant laquelle le général de Gaulle est un point de référence.
Après le 11 novembre 1942 et le franchissement de la ligne de démarcation par les forces allemandes, la révolte prend corps. René Chouet et les jeunes de sa génération se manifestent lors des distractions sur les boulevards de Périgueux : ils entravent les soldats allemands (au tir à la carabine, aux autoscooters). Lors d’un chantier de la rue Taillefer, il aperçoit du premier étage deux soldats : il prépare une boule de plâtre qu’il expédie à leurs pieds. Ces réactions d’adolescent peu politisé constituaient des formes de Résistance qui auraient pu le conduire vers de graves ennuis reconnaît-il.
L’un de ses amis, René Toulzat, lui propose de constituer un groupe de trois Résistants pour l’Armée secrète, mais rien ne se produit. Lorsque cet ami est requis aux Chantiers de jeunesse, il lui confie la distribution de journaux clandestins en septembre 1943 : Francs-Tireurs, Combat, Libération, Forces unies de la jeunesse patriotique. René Chouet les distribue auprès de ses amis, notamment au sein de son club de football, le COPO. Il refuse la perspective d’être requis à son tour pour les Chantiers de jeunesse : afin d’y échapper il cherche à entrer dans un maquis, et pour cela se renseigne avec peu de discrétion. Une voisine l’informe qu’un neveu se chargera de le conduire dans un maquis de Saint-Paul-Laroche : le 17 février 1944 un rendez-vous est fixé derrière Monoprix à Périgueux. Pour cela René Chouet s’organise : il demande son salaire à son nouveau patron en lui expliquant son départ au maquis et fait de même chez son coiffeur, puis s’équipe d’effets militaires. C’est devenu un « secret de Polichinelle » dit-il. Deux Feldgendarmes et un homme de la Gestapo l’attendent au niveau de la place Hoche : il s’enfuit mais est vite rattrapé. À la libération, il apprendra que son ancien patron était milicien.
Il est violemment interrogé dans les locaux de la Gestapo, puis est conduit à la prison du 35e Régiment d’artillerie à Périgueux et à Limoges. Là il est rossé de coups durant deux journées puis lui et ses camarades sont transférés au camp de Compiègne. Durant le transport ferroviaire il parvient à rédiger une lettre pour ses parents qu’il glisse par la fenêtre à un passage à niveau. C’est un cheminot qui l’enverra à ses parents accompagnée de quelques lignes.
À Compiègne il découvre la déportation et les discussions politiques des chambrées où se côtoient des hommes de gauches, des conservateurs, des gaullistes, ou encore des communistes. Il y est question d’une victoire future et d’un monde nouveau à construire. Il est marqué par un jeune homme, probablement adhérent au parti communiste, avec qui il a des discussions politiques et philosophiques. Au contact de ces hommes aux opinions politiques différentes, il fait un apprentissage : il parle de ses « universités politiques ». Les communistes, forts de l’expérience des prisons organisent la vie quotidienne du camp : le partage des colis, les rations supplémentaires réservées aux derniers arrivés. René Chouet redécouvre la solidarité qu’il a connue dans son quartier.
Puis ils sont conduits vers une destination inconnue, enfermés à quatre-vingt dans des wagons à bestiaux. Après une évasion, le convoi est arrêté : déshabillés, ils sont entassés nus de cent dix à cent vingt personnes par wagons. Arrivés à Mauthausen après trois jours et deux nuits de transport certains sont morts, d’autres ont perdu la raison.
  • Témoin(s) :
    Chouet René En savoir plus

    René Chouet est né en 1924 dans une famille ouvrière de Périgueux. Apprenti plâtrier à la fin des années 1930, il joue au football dans un club sportif de Périgueux. La défaite française de 1940 et les compromissions du régime de Vichy font naître en lui un esprit de résistance et une conscience politique. En compagnie de jeunes gens il proteste spontanément et marque son désaccord contre l'occupation et la politique de collaboration. Il décide de se soustraire aux Chantiers de jeunesse et de rejoindre les maquis. Imprudent, il est arrêté en février 1944. Interrogé par la Gestapo il est transféré à Limoges, puis Compiègne et enfin Mauthausen. Intégré à l'organisation clandestine du camp, il participe à des opérations de sauvetage et de résistance. En mai 1945 le camp est libéré, et il adhère au parti communiste. De retour en Dordogne il s'engage dan la vie politique.

  • Description :

    Entretien réalisé le 25 mai 2009 à Périgueux. Durée : 1 h 2 min 51 s

  • Sujet(s) :
    Acte d'opposition, Arrestation, Camp d'internement, Chanson subversive, Clandestinité, Club olympique de Périgueux ouest (COPO), Déporté, Écrit subversif, Geheime Staatspolizei (Gestapo), Militant politique, Parti communiste, Radio
  • Lieu(x) :
    Compiègne-Royallieu, camp d'internement (Oise), Mauthausen, camp de concentration (Autriche)
  • Evénement(s) :
    Front populaire (1936-1938)
  • Personne(s) citée(s) :
    Toulzat René
  • Cote :
    14 AV 36

Photos

Toutes les pistes audio de ce témoignage

  • Présentation
    En savoir plus
    René Chouet se présente, ainsi que ses parents. Son père était un ancien combattant de la Première guerre mondiale, à la santé précaire et contraint d'avoir des professions difficiles physiquement. Il décrit les conditions de vie pauvres dans l'appartement familial, au sein d'un quartier populaire de Périgueux marqué par la solidarité. Il évoque également la solidarité familiale, lorsque ses parents recueillent des cousins.
  • Le patriotisme familial
    En savoir plus
    Il évoque les discussions familiales au sujet de la Première guerre mondiale. René Chouet considère que c'est dans ces moments qu'il a pris conscience de la notion de nation, de patrie voire d'animosité envers l'Allemagne.
  • La scolarité dans le quartier saint-Georges à Périgueux et le début de vie professionnelle
    En savoir plus
    Il parle de sa scolarité dans le quartier Saint-Georges, puis à l'école professionnelle, et de ses débuts dans la vie active. Apprenti plâtrier, son patron lui a enseigné la conscience du travail bien fait. René Chouet parle de ses activités sportives : le football dans une équipe de Saint-Georges, puis au club olympique de Périgueux ouest (Copo).
  • La défaite et ses premières manifestations de Résistance
    En savoir plus
    Il décrit sa consternation à l'annonce de la défaite. Sans conscience politique, il ne parvient pas à trouver une explication à la défaite, ni aux évènements internationaux de la fin des années 1930. La déclaration d'armistice du maréchal Pétain le révolte : il n'a qu'un critère politique, la France et la république. Il explique comment ces deux valeurs lui ont été enseignées par ses instituteurs. En réaction, il compose une chanson en réponse à la chanson du maréchal, qu'il intitule "Maréchal, halte-là". Il fait lecture de cette composition. René Chouet fait état de ses questionnements quant à la manifestation de son rejet de la politique de collaboration. Avec ses camardes du club de football, il explique comment ils manifestaient leur opposition : en chantant, notamment l'Internationale, en sifflant les actualités cinématographiques, en inscrivant des slogans sur les murs avec des bâtons de plâtre. Il souligne toutefois qu'il était plus facile pour des jeunes de manifester. Il évoque également le rôle de la radio, et le point de cristallisation de la Résistance que constituait le général de Gaulle.
  • Souvenirs des évènements politiques de 1934 et 1936
    En savoir plus
    Sur les évènements de 1934 et 1936, il n'a pas alors un point de vu particulier. Il se souvient seulement avoir participé avec son père à une réunion du Front populaire, animée par l'un de ses instituteurs.
  • La Résistance après le 11 novembre 1942
    En savoir plus
    La Résistance prend une autre forme après le 11 novembre 1942, lorsque Périgueux est occupé. René Chouet et ses amis du club de football narguent les militaires allemands, notamment lors des promenades sur les boulevards. Il décrit comment, lors d'un chantier rue Taillefer, il jette une boule de plâtre sur les uniformes allemands de passage dans la rue. Bien que cela soit des formes de résistance, René Chouet en souligne le manque de cohérence politique.
  • Premiers contacts avec la Résistance
    En savoir plus
    René Chouet évoque l'un de ses amis, René Toulzat, qui lui propose de constituer un groupe de trois résistants pour l'Armée secrète. Requis par les Chantiers de jeunesses, il lui confie la distribution de journaux clandestins en septembre 1943 : Francs-Tireurs, Combat, Libération, Forces unies de la jeunesse patriotique. René Chouet les distribue auprès de ses amis, notamment au sein de son club de football, le Copo. Il refuse la perspective d'être requis à son tour pour les Chantiers de jeunesse : afin d'y échapper il cherche à entrer dans un maquis. Il se renseigne avec peu de discrétion, jusqu'à ce qu'une voisine l'informe qu'un neveu se chargera de le conduire dans un maquis de Saint-Paul Laroche. Il s'organise pour son départ et demande son salaire à son nouveau patron, en lui donnant ses raisons, fait de même chez son coiffeur.
  • Une lettre écrite à ses parents lors de son transfert à Compiègne
    En savoir plus
    René Chouet lit la lettre transmise à ses parents par l'intermédiaire des cheminots lors de son transfert à Compiègne. Il s'interroge sur la paye qu'il aurait dû percevoir, et précise que lors de son retour de déportation, sa mère lui apprendra que son ancien patron a été fusillé car milicien.
  • Son arrestation et l'interrogatoire
    En savoir plus
    Équipé d'effets militaires, il se rend à son rendez-vous, et au niveau de la place Hoche deux Feldgendarmes et un homme de la Gestapo l'attendent. Il fuit, mais est rattrapé. Il est violemment interrogé dans les locaux de la Gestapo, puis conduit à la prison du 35e régiment d'artillerie à Périgueux. Transféré à Limoges, il est rossé de coups durant deux jours : il décrit l'angoisse et la violence des coups, la douleur et la torture. Il se souvient de la présence de femmes lors des interrogatoires.
  • Transfert et vie au camp de Compiègne
    En savoir plus
    Durant le transport ferroviaire, il parvient à rédiger une lettre pour ses parents, qu'il glisse par la fenêtre à un passage à niveau. C'est un cheminot qui l'enverra à ses parents. Il fait lecture de l'annotation portée par le cheminot sur le courrier. Au camp de Compiègne, il découvre le brassage intellectuel et politique qui se joue dans des chambrées où se côtoient hommes de gauches, conservateurs, gaullistes, ou encore communistes. Il décrit le rôle des communistes, qui organisent la vie quotidienne du camp : partage de colis, rations supplémentaires réservées aux derniers arrivés. Au contact de ces hommes aux opinions politiques différentes, il fait sa formation politique et prend conscience de ses opinions communistes.
  • Transfert à Mauthausen
    En savoir plus
    Il décrit les conditions du transport, durant lequel les déportés sont enfermés dans des wagons à bestiaux. Après une évasion, le convoi est arrêté : ils sont déshabillés puis entassés nus à raison de cent-dix à cent-vingt personnes par wagons. Arrivés à Mauthausen, après trois jours et deux nuits de transport, certains sont morts, d'autres ont perdu la raison. Ils sont harcelés par les nazis et leurs chiens.