En 1939, il est au lycée de Sarlat et après avoir échoué au baccalauréat regagne la ferme familiale pour aider son père aux travaux agricoles. Son père, ancien combattant de la Première guerre mondiale est un élu du front populaire : il devient maire de Veyrignac en 1936. La défaite militaire française de 1940 a été pour lui une désillusion et une surprise. Roland Thouron se souvient avoir vu des soldats français en déroute dans la commune de Veyrignac.
À l’été 1941, Roland Thouron et des jeunes de son âge s’opposent publiquement à des personnes soutenant le régime de Vichy : ils expriment leur désaccord à la politique du Maréchal Pétain (consulter le volet Ressources documentaires, Résistances au quotidien : Chants séditieux à Groléjac). Au mois de novembre 1941, Roland Thouron part dans les Chantiers de la jeunesse dans les Pyrénées, comme beaucoup de jeunes de sa génération. Dès les premiers jours, on l’informe qu’il est « repéré » et on lui conseille de se méfier. Puis les gendarmes le reconduisent à Périgueux où il est jugé devant un tribunal militaire pour les propos tenus à l’été 1941 : il est condamné à quinze jours de prison avec sursis pour « propos de nature à nuire au moral de l’armée et de la population civile, et chants séditieux ». Il regagne les Chantiers de la jeunesse qu’il quitte en juin 1942.
À son retour à Veyrignac il reprend le travail de la ferme et aide son père à l’organisation de foyers de résistance et d’opposition au régime de Vichy. En 1943 il ravitaille un camp de clandestins à Turnac, sur les rives de la Dordogne. Au mois d’octobre de la même année, son père organise une réunion clandestine sous l’impulsion de Lucien Badaroux (dit « Alberte »). C’est à la suite de cette rencontre qu’un parachutage est organisé en octobre 1943 sur la commune de Sainte-Nathalène. Roland Thouron assiste à ce parachutage et décrit son organisation : mobilisation en dernière minute de camions et personnels, et balisage de la piste par des feux de branchages. Le chargement composé de mitraillettes « Sten », de munitions, d’explosifs et grenades est dirigé vers une cache repéré quelques jours auparavant, dans une grotte du lieu-dit la Tourette, commune de Saint-Julien-de-Lampon. Roland Thouron fait état d’une déconvenue surprenante quelques jours plus tard, alors qu’il vient retirer du matériel dans cette cache : l’endroit est vide. Après avoir informé Lucien Badaroux il s’avère qu’un groupe de maquisards du Lot s’est emparé de l’ensemble du matériel. Après négociation, le produit du parachutage est remis mais le transport est effectué de jour, alors qu’un barrage de Gardes mobiles de réserve (GMR) est sur le parcours. Badaroux négocie et au passage des véhicules les GMR se sont retirés. Roland Thouron participera également à deux autres parachutages.
Le 7 juin 1944, au lendemain du débarquement, le père de Roland Thouron organise un rassemblement de jeunes prêts à s’engager dans le maquis : ils seront environ 150 à se retrouver. Quelques jours sont nécessaires à l’organisation du groupe de l’Armée secrète « Bernard », du nom de guerre de son chef, le docteur Auerbach, médecin juif. Roland Thouron s’engage volontairement dans ce groupe : en effet, dans la mesure où il n’était pas requis pour le Service du travail obligatoire (STO) il n’a pas été dans la clandestinité. Étant un des rares hommes à avoir le permis de conduire, il est le chauffeur de trois officiers parachutés pour assister et organiser la Résistance (deux Américains et un Français). Il décrit les évènements de 8 juin 1944 à Rouffillac-de-Carlux, où un accrochage entre une colonne allemande et la Résistance fait plusieurs morts parmi les maquisards mais aussi la population civile. Il décrit aussi l’assaut sans succès mené par l’occupant sur le château de Veyrignac où étaient installés les officiers Alliés.
Le groupe « Bernard » est installé dans une forêt de Veyrignac, au lieu-dit les Imbards. Roland Thouron décrit l’organisation du camp loin de toute fontaine afin d’échapper aux recherches de l’occupant ou des forces de police : son père qui ravitaille les hommes avec une citerne. Le camp est équipé de tentes, d’une cuisine et des gardes sont organisées. La population environnante assure le ravitaillement.
Chef de patrouille, Roland Thouron est chargé d’assurer la sécurité des sabotages de la voie ferrée Toulouse-Paris. Du 8 juin au 12 juillet 1944, il indique qu’aucun convoi ferroviaire n’a pu utiliser cette ligne. Cependant, devant les réparations rapides des voies, son équipe décide de saboter des wagons dans un tunnel afin de gêner les manœuvres de grues.
Le groupe « Bernard » participe à la libération de Bergerac, puis est envoyé sur le front à Royan. Roland Thouron y reste un mois environ, participe à des patrouilles et connaît quelques accrochages. Il ne signe pas d’engagement dans l’armée française pour la durée de la guerre et rejoint Veyrignac en décembre 1944.
Il reprend l’activité agricole de la ferme et deviendra marchand de bestiaux, profession qu’il a occupé jusqu’à sa retraite.
Nota :
Le parachutage d’officiers dont parle Roland Thouron est une opération Jedburgh. Il s’agit de l’équipe Ammonia, composée des capitaine Austin et Lecompte, et du sergent Berlin. Elle a été parachutée dans la nuit du 10 au 11 juin 1944 dans la région de Sainte-Nathalène. Jedburg est le nom d’une opération alliée qui avait pour objectif de coordonner les actions militaires après le débarquement du 6 juin 1944.
Voir le dossier documentaire thématique « Une mission Jedburgh : Ammonia ».