Dans les années 1930, la famille vit à Noreña, à quelques kilomètres de Pola de Siero. Le père de Vincent Garcia s’intéressait à la vie politique : il lisait « la Voz de Asturias » et était adhérent à l’UGT (Union générale du travail), syndicat de gauche. Vincent Garcia précise que son père était le seul à être à gauche dans sa famille, très conservatrice. Il se souvient de la révolution de 1934, dont les mineurs avaient pris la tête dans les Asturies : des troupes sont venues mater l’insurrection et de nombreuses personnes ont été emprisonnées. Son père a été interrogé mais n’a pas été inquiété par la police. Puis en 1936, avec la victoire du Front populaire les prisons sont ouvertes et une grande joie gagne la famille Garcia Riestra. Son père prend alors une part active au soutien à la République : il n’est pas au front mais se charge du ravitaillement pour la région. Vincent Garcia raconte comment les troupes de Franco ont pris Oviedo, puis s’y sont concentrées, alors qu’à Gijón la Garde d’assaut (l’équivalent des gardes mobiles) est demeurée fidèle à la République. C’est ainsi que toutes les batailles se sont organisées autour d’Oviedo. Son frère le plus jeune, alors âgé de dix-huit ans, s’est engagé contre les fascistes. Il explique comment les républicains espagnols ont été accusés d’avoir incendié une église : des troupes de Franco, retranchées dans le clocher tiraient régulièrement sur les passants et pour y mettre un terme, les républicains ont incendié le bâtiment.
Après la défaite de la République son père est arrêté le 24 janvier 1938, jugé le 3 février et fusillé le 4 mars de la même année. C’est probablement sur la dénonciation de sa sœur, chez qui il avait trouvé refuge, que Gregorio Garcia a été arrêté par la Garde civile.
Devant l’avancée des troupes de Franco, les femmes et les enfants de la région sont évacués : il est proposé à la mère de Vincent Garcia de diriger ses enfants vers l’Union soviétique, ce qu’elle refuse. Elle préfère se réfugier à Barcelone : c’est à Gijón le 22 septembre 1937 que la famille embarque à bord d’un bateau pour Bordeaux, puis revient sur Barcelone par voie ferroviaire. Vincent est séparé de sa famille (hébergée dans les maisons de réfugiés) et placé dans une école militaire à Sant-Boi, dans la banlieue de Barcelone. Le 22 janvier 1939, il quitte Barcelone devant l’avancée des troupes de Franco et arrive en France le 2 février avec un groupe des Brigades internationales. Lors d’un bombardement, il est blessé par un éclat d’obus. Transporté à l’hôpital du Mans (Sarthe), il fait la connaissance d’une infirmière qui le prend sous sa protection. Elle fait des recherches pour qu’il rejoigne sa famille, réfugiée en Dordogne au centre hospitalier de Lanmary (Antonne-et-Trigonant). Plusieurs familles espagnoles réfugiées y sont installées dans une grange, dans des conditions précaires. Il retrouve sa mère et son frère deux sœurs, et apprend la mort de son père.
En 1940, la défaite française est vécue comme un coup dur. Mais les républicains espagnols ne sont pas surpris : l’intervention militaire des Allemands en Espagne (la Légion Condor) a été envisagée comme la répétition d’une guerre à venir. Puis ils sont conduits à Bourrou, et trouve du travail à Ponchapt dans une exploitation viticole, puis dans une ferme jusqu’en 1941. Il rejoint sa mère, employée à Saint-Hilaire-d’Estissac, et devient commis agricole à Beleymas. C’est à cette époque qu’il noue des contacts avec des Espagnols qui s’organisent clandestinement, et avec les premiers Résistants : à Cadouin il rencontre l’instituteur, Lucien Dutard, qui va en outre l’aider pour son apprentissage du Français. Agent de liaison, il est repéré et prend le maquis début décembre 1943. Mais le 22 décembre, avec six personnes de Cadouin (ainsi que le docteur Nessmann de Sarlat) il est arrêté lors d’une opération de répression en Dordogne sud. Il est conduit à Bergerac, Périgueux puis à Limoges au siège de la Gestapo où il est interrogé. Le 18 janvier 1944 il est dirigé sur le camp de Compiègne, et le 22 janvier il fait partie d’un convoi de 2000 personnes. Il arrive à Buchenwald le 24 janvier 1944.