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Le maquis AS Roger (1) - Martial Faucon

Le témoignage

Martial Faucon - Témoignage intégral
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Martial Faucon est né le 19 décembre 1924 à Ajat (canton de Thenon) dans une famille de paysans très modestes : ses parents cultivaient une ferme en location ainsi qu’une petite propriété appartenant à sa mère. Il est fils unique, et après le certificat d’étude obtenu en 1936, il aide aux travaux agricoles. Il se souvient de l’arrivée du Front populaire en 1936 : son père, un homme proche de la gauche qui s’intéressait à la politique l’emmenait lors des débats publics. Ses souvenirs d’enfance sont aussi marqués par l’instituteur d’Ajat, Louis Héliès (orthographe incertaine), qui était un militant de gauche qui a animé la vie politique locale. Les évènements internationaux sont suivis avec attention par la population, dans la mesure où les anciens combattants de la Première guerre mondiale transmettent leur expérience et leurs inquiétudes vis-à-vis de l’Allemagne, dès 1933. Martial Faucon garde le souvenir de la visite dans son école de Suzanne Lacore, ancienne institutrice d’Ajat.
Son père, trop jeune pour avoir combattu lors de la Première guerre mondiale a été mobilisé en 1940. Prisonnier, il a rejoint sa famille à l’été 1942. À Ajat, la défaite de juin 1940 a été pressentie avant l’armistice par l’arrivée de soldats de l’Armée française en déroute. De plus, les réfugiés alsaciens de Strasbourg ont été accueillis dans la commune d’Ajat et dans tout le canton.
En 1941 les mouvements de Résistance ne sont pas structurés : le gouvernement de Vichy organise le sentiment d’un retour à la normale. L’autorisation de la chasse, suspendue depuis le début de la guerre, donne le sentiment d’un retour à la liberté. En effet, dans les campagnes l’interdiction de la chasse a été très mal vécue. L’idéologie du Pétainisme (le retour à la terre, le travail, la famille, la patrie) trouve un certain écho dans un premier temps. L’invasion de la zone sud le 11 novembre 1942 et l’arrivée de soldats allemands mettent en émoi la population, ce qui bouleverse la situation : l’idéologie pétainiste et sa propagande n’ont plus le même effet. Puis la confiscation des armes de chasse après l’invasion de la zone libre a produit une forte réticence dans la population rurale : les fusils sont cachés et de vielles armes sont livrées. Selon Martial Faucon c’est un certain esprit de Résistance qui se manifeste. Ces armes dissimulées ressortiront avec l’essor de la Résistance : face à la pénurie de matériel certains utiliseront les fusils de chasse, ou les fusils « Mauser » conservés comme trophées de la Première guerre mondiale. D’autre part, les réquisitions de la production agricole, puis de la main d’œuvre achèveront de détourner la population rurale du régime. Dans la mesure où il était difficile de se soustraire aux réquisitions, les paysans ont contourné autant que possible les obligations : ils ont livré de mauvais produits (du foin avarié par exemple). La réquisition des jeunes pour le Service du travail obligatoire (STO) en 1943 a suscité une vive émotion : certains essaient de s’y soustraire avec la complicité de médecins, comme le docteur Pierre Daunois du Lardin, qui déclare inapte une grande proportion de jeunes gens. Martial Faucon, trop jeune, n’est pas concerné mais décide avec ses amis fin 1943 de ne jamais partir. N’étant pas plongé dans la clandestinité, il sera un « légal dans la Résistance».
Dans sa région, le maquis se constitue aux alentours d’octobre 1943, alors que l’on sait qu’en Corrèze la Résistance y est déjà active, et qu’un Périgourdin nommé Ranoux y a pris des responsabilités. Dans la région d’Ajat la Résistance n’est pas organisée par le Parti communiste mais autour de militants de la SFIO, comme Roger Deschamps à Thenon. Un rassemblement de patriote se constitue à l’automne 1943 autour de la famille Deschamps à Thenon, de Durand à Sainte-Eulalie-d’Ans et du docteur André Daunois à Granges d’Ans (frère du docteur Pierre Daunois du Lardin). La fin de l’année 1943 est une phase d’organisation clandestine et de rassemblement. Ce sont les prémices de la formation du groupe « Roger » de l’Armée secrète (AS), auquel appartient Martial Faucon. Puis ce groupe se constitue officiellement dans la forêt Barade après le passage de la division « Brehmer » en mars 1944. Commandé par Roger Richard de l’Organisation de la résistance de l’armée (ORA), il s’installe à la Grandval où il bénéficie de l’appui technique de Peter Lake, agent instructeur du Special operations executive (SOE, réseau Digger) parachuté par Londres.
Martial Faucon précise que lors du passage de la division « Brehmer » en mars 1944, les Juifs de la commune d’Ajat n’ont pas été inquiétés. Les objectifs de cette division n’étaient alors pas connus, en particulier ceux visant les populations juives. Il fait le récit de sa rencontre avec des hommes de cette division, alors qu’il prévient du danger la famille d’un jeune maquisard du groupe AS « Maurice Dujarric ».
Au sein du groupe « Roger » le rôle de Martial Faucon était de seconder Deschamps. Puis il a été contacté fin avril 1944 par le service de renseignement de l’état-major des Francs-tireurs et partisans (FTP) : avec l’accord de ses chefs de l’AS, il recueille des informations pour les FTP jusqu’en juin 1944, puis rejoint le groupe « Roger ». Il précise que les rivalités entre groupes AS et FTP n’ont pas eu cours dans cette partie du département. En juillet 1944, il participe aux opérations de ralentissement des troupes allemandes : il se charge du dynamitage du pont ferroviaire de Niversac. Il relate également la répartition des sacs de billets saisis dans un train de la Banque de France à Neuvic en juillet 1944.
Après la libération de Périgueux en août 1944, il bénéficie d’une formation d’officier puis est lieutenant au 134e Régiment d’infanterie « Oradour ». Il participe à l’occupation de l’Allemagne jusqu’en avril 1946.
À son retour, Martial Faucon travaille à la ferme familiale, puis devient journaliste aux « Nouvelles de Bordeaux » en 1948, et à l’Écho du Centre à Limoges où il terminera sa carrière.

Nota :
Suzanne Lacore (1875-1975) était sous-secrétaire d’état à la protection de l’enfance dans le premier gouvernement de Léon Blum. Elle était l’une des trois femmes ministres.
La Grandval : situé en bordure de la forêt domaniale Barade, entre les communes de Fossemagne et Bars (canton de Thenon). Le site porte aujourd’hui le nom de « Camp-du-maquis ».
  • Témoin(s) :
    Faucon Martial En savoir plus

    Martial Faucon est né en 1924 à Ajat, dans une famille d'agriculteurs. Son père, mobilisé en 1940, est fait prisonnier et rejoint la ferme familiale en 1942. Martial Faucon voit se développer les maquis, l'opinion de la population, puis la répression dans la région de Thenon. Il rejoint le groupe Roger de l'Armée secrète (AS), puis en avril 1944 travaille pour le service de renseignements des Francs-tireurs et partisans (FTPF). Puis avec le groupe Roger, il participe aux opérations visant les troupes d'occupation, avant de partir combattre en Allemagne. Démobilisé en 1946, il devient journaliste.

  • Description :

    Entretien réalisé le 29 mai 2009 à Bruges (Gironde). Durée : 1 h 17 min 25 s

  • Sujet(s) :
    134e régiment d'infanterie, Acte d'opposition, Autorité d'occupation, Chasse, Clandestinité, Évacuation, Juif, Population rurale, Propagande, Radio, Réquisition, Roger, groupe (Armée secrète), Sabotage
  • Lieu(x) :
    Ajat, Beauregard-de-Terrasson, Lardin-Saint-Lazare, le, Niversac (commune de Saint-Laurent-sur-Manoire), Saint-Laurent-sur-Manoire, Thenon
  • Evénement(s) :
    Front populaire (1936-1938), Gouvernement de Vichy (1940-1944)
  • Personne(s) citée(s) :
    Bancon Yves (dit Ramon), Cournil Lucien, Daunois André (dit André), Daunois Pierre (dit Toubib, dit Pierrot), Deschamps Roger, Héliès Louis, Lake Peter (dit Jean-Pierre), Ranoux Roger (dit Hercule), Richard Roger
  • Cote :
    14 AV 39-40

Photos

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  • Présentation
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    Martial Faucon se présente ainsi que ses origines familiales. Fils unique, il est né à Ajat où ses parents cultivaient une ferme en location ainsi qu'une petite propriété appartenant à sa mère.
  • Souvenirs du Front populaire
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    Son père, un homme proche de la gauche qui s'intéressait à la vie politique, l'emmenait lors des débats publics. Il se souvient également de son instituteur à Ajat, Louis Héliès, un militant de gauche qui a animé la vie politique locale.
  • Les évènements internationaux et la déclaration de guerre
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    Son père, trop jeune pour avoir combattu Durand la Première guerre mondiale a été mobilisé en 1940, puis fait prisonnier jusqu'en 1941. Âgé de quinze ans, il se souvient de la déclaration de guerre et de l'inquiétude de la population. Les évènements internationaux sont suivis avec attention, bien que les moyens de communication soient moins développés qu'aujourd'hui remarque t-il. Martial Faucon précise que les anciens combattants de la Première guerre mondiale parlaient de leur expérience, et l'arrivée d'Hitler au pouvoir a exacerbé les craintes.
  • La défaite de 1940
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    À Ajat, la défaite de juin 1940 a été pressentie avant l'armistice par l'arrivée de soldats de l'armée française en déroute. Puis ce fut l'arrivée des réfugiés, notamment les populations évacuées du Bas-Rhin. Il évoque les familles juives qui résidaient dans la région.
  • La chasse et les débuts de la Résistance
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    Martial Faucon précise qu'en1941 les mouvements de résistance ne sont pas structurés. Il explique que le gouvernement de Vichy a organisé le sentiment d'un retour à la normale, qui passait notamment par l'autorisation de la chasse, suspendue depuis le début de la guerre. L'idéologie pétainiste (le retour à la terre, le travail, la famille, la patrie) a en effet trouvé un certain écho dans les campagnes. Toutefois, les armes de chasse étaient interdites, mais il précise qu'il y a eu beaucoup de réticence à les livrer, et que certains n'ont donné que de vieilles armes. Les fusils de chasse sont réapparus plus tard, lorsque les maquis, mal armés, se sont organisés. Dans ce refus de livrer les armes, Martial Faucon estime que l'on peut y lire les prémices d'une forme de résistance.
  • Propagande de Vichy et réquisitions
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    Martial Faucon précise qu'avant l'occupation de la zone sud en 1942, la propagande de Vichy était efficace. Puis les réquisitions, vécues comme ingérence dans les affaires personnelles, ont modifié l'état d'esprit. Les réquisitions agricoles sont contournées autant que possible par les paysans qui livrent de mauvais produits (du foin avarié par exemple, une bête malingre). Martial Faucon explique que la Résistance a mené une opération contre les réquisitions à Thenon. Puis l'arrivée des troupes d'occupation en novembre 1942, et en 1943 la réquisition des jeunes pour le Service du travail obligatoire (STO) ont suscité une vive émotion. Certains essaient de se soustraire au STO avec la complicité de médecins, comme le docteur Pierre Daunois du Lardin, qui déclare inapte une grande proportion de jeunes gens. Martial Faucon, trop jeune, n'est pas concerné mais décide avec ses amis fin 1943 de ne jamais partir.
  • Formation du groupe Roger de l'Armée secrète
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    Martial Faucon travaille à la ferme avec ses parents, après son certificat d'études. Puis fin 1943, la Résistance apparaît, il écoute les émissions de la radio de Londres. Il parle des positions politiques dans sa commune, orientée à gauche. Il évoque le souvenir de Suzanne Lacore, institutrice à Ajat et membre du gouvernement du Front populaire. Certains jeunes se sont soustraits au STO et sont engagés dans les maquis naissants. Il précise que dans sa région, ce n'est qu'au mois d'octobre 1943 que des maquis se forment, alors qu'en Corrèze la Résistance y est déjà active, alors que la population sait qu'un Périgourdin nommé Ranoux y a pris des responsabilités. Dans la région de Thenon, la Résistance n'est pas organisée par le parti communiste mais autour de militants de la SFIO, comme Roger Deschamps. Ce sont les prémices de la formation du groupe Roger de l'Armée secrète (AS), auquel appartient Martial Faucon. Puis ce groupe se constitue officiellement dans la forêt Barade après le passage de la division Brehmer en mars 1944. Commandé par Roger Richard de l'Organisation de la résistance de l'armée (ORA), il s'installe au lieu-dit la Grandval où il bénéficie de l'appui technique de Peter Lake, instructeur parachuté par Londres.
  • La division Brehmer dans la région de Thenon et La Bachellerie
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    Martial Faucon précise que les objectifs de cette division n'étaient pas connus, en particulier ceux visant les populations juives. Il fait le récit de sa rencontre avec des hommes de cette division, alors qu'il prévient du danger la famille d'un jeune maquisard du groupe Maurice Dujarric de l'Armée secrète. Il parle de l'attaque du lieu-dit le Poteau à Ajat, de l'incendie d'Azerat et de l'action contre les israélites de La Bachellerie le 30 mars 1944. Ce n'est que bien plus tard qu'il apprendra la réalité des fusillades.
  • La maquis Roger
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    Le maquis Roger était dirigé par un ancien sous-officier, Roger Richard, et l'instruction y était assurée par Peter Lake dit Jean-Pierre. Au groupe Roger, Martial Faucon secondait Deschamps. Contacté fin avril 1944 par le service de renseignement de l'état-major des Francs-tireurs et partisans (FTP), il est alors chargé de recueillir des informations dans le sarladais. Il a côtoyé Yves Bancon à cette occasion. Il relate une anecdote qui exprime la méfiance et l'aspect périlleux de sa mission. Enfin il précise que les rivalités entre groupes AS et FTP n'ont pas eu cours dans la région de Thenon, Le Lardin et Terrasson.
  • AS et FTP dans la région de Terrasson
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    Martial Faucon poursuit son récit sur le thème de l'entente entre Armée secrète et Francs-tireurs et partisans, fondée sur les personnalités de Roger Ranoux et Pierre Daunois. Il évoque à ce sujet l'accord pour l'assaut du château de Mellet à Beauregard-de-Terrasson.
  • Les missions de Martial Faucon après le 6 juin 1944
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    En juillet 1944, il participe aux opérations de ralentissement des troupes allemandes : il relate des opérations de sabotage, dont le dynamitage du pont ferroviaire de Niversac (commune de Saint-Laurent-sur-Manoire). Il explique que la situation est très tendue dans le département. Il parle de la répartition des sacs de billets saisis dans un train de la Banque de France à Neuvic-sur-l'Isle en juillet 1944.
  • De la libération de Périgueux à l'occupation de l'Allemagne
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    Après avoir participé à la libération de Périgueux, il participe à deux sessions de formation d'officiers. Il est versé, comme Roger Ranoux, au 134e régiment d'infanterie qui part pour l'est de la France. Son régiment occupe l'Allemagne, puis il est démobilisé en avril 1946.
  • Après la libération : une carrière de journaliste
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    À son retour en Dordogne, Martial Faucon travaille à la ferme familiale, puis devient journaliste aux Nouvelles de Bordeaux en 1948, en compagnie de Lucien Cournil, puis à l'Écho du Centre à Limoges où il terminera sa carrière.